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La pharmacothérapie en fonction des gènes chez les enfants et les adolescents qui prennent des médicaments psychoactifs

Affichage : le 14 février 2024


La Société canadienne de pédiatrie vous autorise à imprimer une copie unique de ce document tiré de notre site Web. Pour obtenir l'autorisation d'en réimprimer ou d'en reproduire des copies multiples, lisez notre politique sur les droits d'auteur, à l'adresse www.cps.ca/fr/policies-politiques/droits-auteur.

Auteur(s) principal(aux)

Ruud H.J. Verstegen, MD, Ph. D.; Iris Cohn, M. Sc., pharm. a.; Mark E. Feldman, MD, FRCPC; Daniel Gorman, MD, FRCPC; Shinya Ito, MD, FRCPC, Comité de la pharmacologie

Résumé

Les médicaments psychoactifs sont de plus en plus utilisés pour traiter les enfants et les adolescents ayant des troubles de santé mentale, mais la variabilité des réponses individuelles fait ressortir l’importance d’une médecine personnalisée. Les tests pharmacogénétiques sont un volet important d’un tel type de médecine. Les entreprises de tests pharmacogénétiques commerciaux qui font la promotion de tests de ce genre et promettent un traitement efficace et individualisé des troubles de santé mentale se multiplient depuis quelques dernières années. Les preuves scientifiques en appui à l’utilisation de la pharmacogénétique sont limitées, particulièrement dans les populations pédiatriques. Le présent point de pratique souligne les étapes qui orientent le recours à ces tests pour la prise de médicaments psychoactifs en milieu clinique et présente des ressources de soutien importantes. Il existe des directives cliniques sur les variants des pharmacogènes qui encodent les enzymes de métabolisation du cytochrome P450 (p. ex., CYP2C19, CYP2D6, CYP2C9), lesquels sont l’un des déterminants des concentrations pharmacologiques dans le sang et peuvent appuyer à la fois le choix du médicament et la stratégie posologique de certains antipsychotiques, antidépresseurs et antiépileptiques. Les effets indésirables de certains médicaments antiépileptiques (p. ex., la carbamazépine et la phénytoïne) sont associés à certains types d’antigènes d’histocompatibilité humaine et à des variants de l’ADN polymérase gamma (POLG; acide valproïque). Les données probantes sont limitées à l’égard des variants génétiques des protéines qui ciblent les médicaments, et c’est pourquoi il est difficile de déterminer quels patients présenteraient une réponse altérée au traitement à une concentration sanguine thérapeutique.

Mots-clés : médecine personnalisée; pédopsychiatrie; santé mentale des enfants et des adolescents; test pharmacogénétique

Contexte

Les troubles de santé mentale touchent au moins un million d’enfants et d’adolescents au Canada, et les médicaments psychoactifs sont de plus en plus utilisés pour leur prise en charge[1]. À l’heure actuelle, on estime que 9 % des jeunes (de trois à 19 ans) prennent un antidépresseur, un antianxiolytique ou un antipsychotique[2], tandis que 3,6 % reçoivent des psychostimulants pour traiter un trouble de déficit de l’attention/hyperactivité[3]. Ces médicaments peuvent améliorer la prise en charge des symptômes et la qualité de vie des patients tout autant que de leur famille[4]-[6]. Cependant, il se peut également que les médicaments soient inefficaces ou qu’ils provoquent des effets indésirables (EIM) qui nuisent à la qualité de vie et retardent le contrôle de la maladie[4]-[9].

La médecine personnalisée vise à maximiser l’efficacité du traitement et à éviter les EIM par la détermination des caractéristiques du patient qui influent sur ces résultats cliniques et qui, à leur tour, peuvent évoquer des approches diagnostiques et thérapeutiques en mesure de réduire les cycles « d’essai-erreur ». Les tests pharmacogénétiques (TPG) sont un parfait exemple de médecine personnalisée, car ils font appel aux relations connues entre les variants des gènes et les résultats cliniques des médicaments (c’est-à-dire les associations entre les médicaments et les gènes), de même qu’à d’autres facteurs relatifs au patient pour orienter le traitement pharmaceutique.

Les TPG dans la population pédiatrique sont abordés dans le document de principes de la SCP intitulé La pharmacothérapie en fonction des gènes[10]. Ce document traite des TPG chez les enfants qui éprouvent des troubles de santé mentale. Il fait connaître aux cliniciens les indications et les principes qui sous-tendent les TPG et contiennent des tableaux faciles à consulter pour orienter et interpréter les TPG pour les médicaments psychoactifs. Qui plus est, ce document ne recommande ni n’avalise les TPG chez tous les enfants ayant un trouble de santé mentale.

Terminologie

La pharmacogénomique et la pharmacogénétique

La pharmacogénétique (PG) évalue les variations génétiques qui contribuent à expliquer les différences individuelles liées à l’élimination des médicaments, à la réponse au traitement et à la survenue d’EIM causés par des interactions entre les médicaments et les gènes. Plus précisément, elle cible les gènes qui influent sur la pharmacocinétique ou la pharmacodynamique. Le terme « pharmacogénomique » sous-tend l’examen pangénomique de l’incidence des gènes sur l’élimination et les effets des médicaments plutôt que sur un seul gène ou un petit groupe de gènes en cause en PG, mais ces termes sont utilisés pratiquement de manière interchangeable.

La pharmacocinétique et la pharmacodynamique

Les gènes pharmacocinétiques (PC) codent pour les protéines qui influent sur les processus d’action de l’organisme à un médicament, tels que l’absorption, la distribution, le métabolisme et l’élimination. Pour ce qui est de la PG, ces processus touchent principalement a) les gènes du métabolisme des médicaments qui influent sur les enzymes de métabolisation des médicaments, comme le cytochrome P450 (p. ex., les gènes CYP2C19, CYP2D6 et CYP2C9) et b) les gènes transporteurs (p. ex., le gène SLCO1B1) qui facilitent le transport des médicaments sur une membrane cellulaire, laquelle agit sur l’assimilation d’un médicament par le foie, par exemple. En revanche, la pharmacodynamique (PD) désigne l’effet du médicament sur l’organisme, tel que les effets biologiques directs sur les cellules (p. ex., l’activation des récepteurs), les effets cliniques sur la maladie (p. ex., l’humeur, le comportement) ou le risque de présenter des EIM particuliers, qui diffèrent des effets PC. Par exemple, les gènes PD peuvent coder pour les récepteurs cibles des médicaments (p. ex., les récepteurs de la sérotonine HTR1A ou HTR2A) ou les antigènes d’histocompatibilité humaine (HLA) (p. ex., HLA-A*31:01 ou HLA-B*15:02). Par exemple, la carbamazépine, un anticonvulsivant, est liée à de graves réactions cutanées indésirables qui passent par les variants HLA, telles que le syndrome de Stevens-Johnson (nécrolyse épidermique toxique).

Les directives cliniques sur la pharmacogénétique

Le Clinical Pharmacogenetics Implementation Consortium (consortium de mise en œuvre clinique de la PG) et le Réseau canadien de pharmacogénomique pour l’innocuité des médicaments, qui exercent leurs activités en Amérique du Nord, ainsi que le groupe de travail néerlandais sur la pharmacogénétique, installé en Europe (GTNPG), transposent constamment les données probantes sur la PG en directives cliniques. Ces directives présentent les données de qualité en appui aux indications de TPG, leur relation avec un résultat clinique donné (des associations entre un médicament et un gène) et la manière de rajuster les traitements pour améliorer l’efficacité et l’innocuité des médicaments. Bien que la qualité des preuves soit une norme de pratique reconnue, l’ampleur des effets d’un variant PG donné sur les résultats cliniques est souvent variable. Par exemple, pour éviter des événements indésirables, une ampleur de l’effet plus modeste est parfois intégrée aux directives cliniques, tandis que les répercussions des associations entre un médicament et un gène qui influe sur l’efficacité thérapeutique doivent être démontrées de manière plus convaincante. Un exemple des recommandations du Clinical Pharmacogenetics Implementation Consortium sur le gène CYP2C19 et la posologie du citalopram-escitalopram est exposé au tableau 1 [11].

Tableau 1. Directives du Clinical Pharmacogenetics Implementation Consortium relatives au citalopram-escitalopram

Gène CYP2C19

Répercussion

Recommandation thérapeutique

Génotype

Phénotype

 

 

*17/*17

Métaboliseur ultrarapide

Accroît le métabolisme par rapport aux métaboliseurs normaux. Des concentrations plasmatiques plus faibles accroissent la probabilité d’échec de la pharmacothérapie.

Envisager un autre médicament qui n’est pas métabolisé principalement par le gène CYP2C19.

*1/*17

Métaboliseur rapide

*1/*1

Métaboliseur normal

Métabolisme normal

Entreprendre le traitement avec la dose de charge recommandée.

*1/*2, *1/*3, *17/*2, *17/*3

Métaboliseur intermédiaire

Réduit le métabolisme par rapport aux métaboliseurs normaux.

Entreprendre le traitement avec la dose de charge recommandée.

*2/*2, *2/*3, *3/*3

Métaboliseur lent

Réduit considérablement le métabolisme par rapport aux métaboliseurs normaux. Des concentrations plasmatiques plus élevées peuvent accroître le risque d’effets secondaires.

Envisager de réduire la dose de charge recommandée de 50 % et de l’augmenter en fonction de la réponse obtenue OU choisir un autre médicament qui n’est pas métabolisé principalement par le gène CYP2C19.

Données traduites de la référence 11

Note : La colonne du génotype présente l’état génétique des deux copies du gène, qui repose sur l’annotation de l’allèle précédé d’un astérisque, où *1 représente le type sauvage et où chaque variant qui agit sur la production ou la fonction des enzymes se voit attribuer un code numérique standardisé.

Les fabricants de médicaments fournissent de plus en plus de données PG dans les monographies de produits approuvées par des organismes de réglementation comme Santé Canada ou la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis. Les directives fournies sur les étiquettes des médicaments peuvent varier considérablement, entre l’information générale sur l’association entre le médicament et un gène (p. ex., « les métaboliseurs lents pour le gène CYP2C19 peuvent être responsables d’un taux accru de réactions indésirables ») et les recommandations thérapeutiques particulières. À l’occasion, les organismes de réglementation exigent un TPG avant la prescription d’un médicament. Toutefois, l’information figurant sur l’étiquette d’un médicament ne reflète pas toujours pleinement les données disponibles, mais plutôt, ou surtout, celles produites par la société pharmaceutique.

La qualité actuelle des preuves

Les pédiatres peuvent demander un TPG pour les enfants et les adolescents qui pourraient tirer des avantages d’un médicament psychoactif visant à traiter un trouble de santé mentale, mais la valeur des tests dépend de la solidité des données probantes relatives à l’association entre le médicament et le gène. Les données liées aux associations PG en santé mentale augmentent rapidement, mais relativement peu de variants sont dotés d’une qualité de preuves suffisante pour être inclus dans les directives PG cliniques. Les associations établies entre les médicaments et les gènes relatifs aux médicaments psychoactifs sont exposées au tableau 2, qui présente le nom des médicaments, le gène qui s’y rattache et les sources de directives médicales ou les étiquettes des médicaments. Si un médicament ne figure pas sur la liste, c’est qu’il n’est pas encore rattaché à des directives cliniques. Il est à souligner qu’à part les variants des HLA et de la sous-unité de l’ADN polymérase gamma (POLG), seuls les gènes PC sont prêts à être utilisés dans la pratique à l’heure actuelle. De plus,il y a généralement peu de données pédiatriques sous-jacentes aux directives PG. Cependant, parce que l’expression de la plupart des gènes métabolisateurs des médicaments atteint des valeurs adultes avant l’âge d’un an, il est permis d’utiliser ces directives dans les populations pédiatriques. Il est à souligner que leur inclusion dans des directives cliniques ne signifie pas que des tests doivent être effectués chez tous les patients, mais que les données sont suffisantes pour intégrer les résultats des TPG à la prise de décision clinique. Les TPG sont fortement recommandés ou sont exigés avant d’entreprendre un traitement anticonvulsivant à la carbamazépine ou à l’acide valproïque (chez les moins de deux ans) ou à la tétrabénazine, utilisée pour les troubles du mouvement.

Tableau 2. Les interactions entre les médicaments et les gènes et les recommandations posologiques dans les directives cliniques et sur les étiquettes des médicaments

Médicament

Gènes

Source des directives

Antipsychotiques

   

Aripiprazole

CYP2D6

GTNPG

Brexpiprazole

CYP2D6

GTNPG

Halopéridol

CYP2D6

GTNPG

Pimozide

CYP2D6

GTNPG

Quétiapine

CYP3A4

GTNPG

Rispéridone

CYP2D6

GTNPG

Thioridazine

CYP2D6

FDA

Zuclopenthixol

CYP2D6

GTNPG

Antidépresseurs tricycliques (ATC)

   

Amitriptyline

CYP2D6, CYP2C19

CPIC, GTNPG

Clomipramine

CYP2D6, CYP2C19

CPIC, GTNPG

Désipramine

CYP2D6

CPIC

Doxépine

CYP2D6, CYP2C19

CPIC, GTNPG

Imipramine

CYP2D6, CYP2C19

CPIC, GTNPG

Nortriptyline

CYP2D6

CPIC, GTNPG

Trimipramine

CYP2D6, CYP2C19

CPIC

Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS)/inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN)

 

 

Atomoxétine (IRSN)

CYP2D6

CPIC, GTNPG

Citalopram

CYP2C19

CPIC, GTNPG

Escitalopram

CYP2C19

CPIC, GTNPG

Fluvoxamine

CYP2D6

CPIC

Paroxétine

CYP2D6

CPIC, GTNPG

Sertraline

CYP2C19, CYP2B6

CPIC, GTNPG

Venlafaxine

CYP2D6

CPIC, GTNPG

Vortioxétine

CYP2D6

CPIC, FDA, Santé Canada

Médicaments anticonvulsivants

   

Carbamazépine

HLA-A*31:01, HLA-B*15:02

CPIC, RCPIM, FDA

Clobazam

CYP2C19

FDA

Lamotrigine

HLA-B*15:02

GTNPG

Oxcarbazépine

HLA-B*15:02

CPIC, RCPIM, FDA

Fosphénytoïne

CYP2C9, HLA-B*15:02

CPIC

Acide valproïque/divalproex sodique

POLG

FDA, Santé Canada

Autre

   

Tétrabénazine

CYP2D6

FDA, Santé Canada

CPIC Clinical Pharmacogenetics Implementation Consortium; RCPIM Réseau canadien de pharmacogénomique pour l’innocuité des médicaments; GTNPG groupe de travail néerlandais sur la pharmacogénétique; FDA Food and Drug Administration des États-Unis

Les étiquettes des médicaments pour l’amoxapine, le brivaracétam, la clozapine, le dronabinol, la perphénazine et la protriptyline contiennent des données pharmacogénétiques, mais parce qu’elles ne contiennent pas de recommandations posologiques, ces médicaments sont exclus du présent tableau. Les médicaments non indiqués dans le présent tableau ne disposaient pas de directives cliniques au moment de la rédaction de ce document.

Note : Les directives cliniques à jour se trouvent dans les annotations des directives cliniques de la Pharmacogenomic Knowledge Base (PharmGKB).

Pour certains médicaments psychoactifs, les associations entre les médicaments et les gènes sont trop faibles pour orienter les directives cliniques, et aucune modification thérapeutique reposant sur la situation des variants PG n’est proposée ni nécessaire. Au tableau 3 sont présentés le nom des médicaments, les gènes évalués dans les directives cliniques et la source de ces directives. Il arrive que les interactions entre les médicaments et les gènes soient omises des directives. En effet, même si le variant PG est associé à des différences de concentration des médicaments, des métabolites actifs peuvent également contribuer aux effets thérapeutiques. Enfin, certains médicaments peuvent être associés à des interactions avec les gènes qui justifient à la fois une utilisation clinique (p. ex., sertraline et CYP2C19) et un évitement clinique (p. ex., sertraline et CYP2D6, HTR2A et SLC6A4).

Tableau 3. Les interactions entre les médicaments et les gènes qui n’ont pas de conséquences cliniques

Médicament

Gènes

Antipsychotiques

 

Clozapine

CYP2D6, CYP1A2

Flupentixol

CYP2D6

Fluphénazine

CYP2D6

Olanzapine

CYP2D6, CYP1A2

Quétiapine

CYP2D6

Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS)/inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN)

 

Citalopram

CYP2D6, SLC6A4

Escitalopram

CYP2D6, SLC6A4

(Des)venlafaxine

HTR2A, SLC6A4

Duloxétine

CYP2D6, HTR2A, SLC6A4

Fluoxétine

CYP2D6, HTR2A, SLC6A4

Fluvoxamine

CYP2C19, HTR2A, SLC6A4

(Levo)milnacipran

HTR2A, SLC6A4

Paroxétine

HTR2A, SLC6A4

Sertraline

CYP2D6, HTR2A, SLC6A4

Vilazodone

Vortioxétine

HTR2A, SLC6A4

HTR2A, SLC6A4

Autre

 

Alpha-agoniste – Clonidine

CYP2D6

Stimulants du système nerveux central – Méthylphénidate

CYP2D6, COMT

Antidépresseurs tétracycliques (ATC) – Mirtazapine

CYP2D6, CYP2C19

Inhibiteur de monoamine oxydase (MAO) – Moclobmide

CYP2C19

Note : D’après les données probantes, les combinaisons de médicaments et de gènes énumérées dans ce tableau font partie de directives cliniques, mais aucune recommandation thérapeutique ne peut être formulée. Par conséquent, les tests pharmacogénétiques ne sont pas recommandés. Les directives cliniques à jour se trouvent dans les annotations des directives cliniques de la Pharmacogenomic Knowledge Base (PharmGKB).

Le tableau 4 contient les associations de médicaments et de gènes ayant une faible qualité de preuves. Bon nombre portent sur des gènes PD qui ont été étudiés dans de petites populations (sélectionnées) ou sans sujets témoins. L’absence de données probantes ne sous-tend pas une absence d’effet, mais les décisions thérapeutiques ne doivent pas reposer sur des données limitées.

Tableau 4. Les associations de gènes et de médicaments qui ont fait l’objet de certaines recherches, mais dont les données sont insuffisantes pour être utilisées en pratique clinique

Gène

Médicaments

Associations déclarées

ABCB1

ISRS, antipsychotiques, lithium, carbamazépine

PC, PD (efficacité, toxicité)

ADGRL3 (LPHN3)

Méthylphénidate

PD (efficacité)

ADRA2A

ISRS, méthylphénidate

PD (efficacité)

AKT1

Rispéridone

PD (efficacité)

BDNF

ISRS, antipsychotiques

PD (efficacité, toxicité)

CACNG2

Lithium

PD (efficacité)

CES1

Méthylphénidate

PC

CNR1

Antipsychotiques, cannabis

PD (toxicité)

CNR2

Cannabis

PD (toxicité)

COMT

ISRS, antipsychotiques, méthylphénidate

PD (efficacité, toxicité)

CYP1A1

Olanzapine, antiépileptique, cannabis

PC, PD (efficacité, toxicité)

CYP3A5

Midazolam, carbamazépine, olanzapine, quétiapine

PC, PD (toxicité)

DRD3

ISRS, antipsychotiques, méthylphénidate

PC, PD (efficacité, toxicité)

EPHX1

Carbamazépine, phénytoïne

PC, PD (toxicité)

FKBP5

Antidépresseurs, antipsychotiques

PD (efficacité, toxicité)

GRIK2

Citalopram

PD (toxicité)

GRIK4

Antidépresseurs

PD (efficacité)

HTR1A

ISRS, antipsychotiques

PD (efficacité)

HTR2C

ISRS, antipsychotiques

PD (efficacité, toxicité)

MC4R

Antipsychotiques

PD (efficacité, toxicité)

MTHFR

Antipsychotiques, antiépileptiques

PD (toxicité)

NEFM

Antipsychotiques

PD (efficacité)

RGS4

Antipsychotiques

PD (efficacité)

SCN1A

Antiépileptiques

PD (efficacité)

UGT1A4

Rispéridone, lamotrigine, acide valproïque

PC, PD (efficacité)

UGT2B15

Benzodiazépine

PC

ADT antidépresseurs tricycliques; ISRS inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine; PC pharmacocinétique; PD pharmacodynamique

Note : Les directives cliniques à jour se trouvent dans les annotations des directives cliniques de la Pharmacogenomic Knowledge Base (PharmGKB).

Les considérations pratiques relatives aux tests pharmacogénétiques

De nombreuses entreprises commerciales proposent des TPG, au coût de 200 $ à 400 $ CA. Aucun régime d’assurance maladie provincial ou territorial ne les rembourse, mais certains assureurs privés les couvrent partiellement, et certains tests individuels sont parfois remboursés par le régime public (p. ex., typage des HLA pour établir l’hypersensibilité à la carbamazépine et typage du gène POLG pour établir celle de l’acide valproïque chez les enfants de moins de deux ans). L’absence de couverture universelle pour les TPG appropriés sur le plan clinique désavantage encore plus les populations mal desservies du Canada, ce qui fait ressortir l’importance de vigoureuses prises de position.

La plupart des tests sont réalisés au moyen d’écouvillons buccaux, limitant ainsi le fardeau pour les patients et facilitant les prélèvements à domicile. Cependant, ils peuvent être difficiles à effectuer chez un enfant ou un adolescent ayant une aversion orale. De nombreuses entreprises collaborent avec des laboratoires installés aux États-Unis, ce qui soulève des préoccupations en matière de confidentialité. Il faut de une à trois semaines entre la réception de l’échantillon en laboratoire et l’obtention des résultats.

Les groupes de tests diffèrent selon les entreprises, et bon nombre incluent de multiples gènes – parfois plus de cent –, dont la plupart ne sont pas liés à des directives cliniques, pour cibler les troubles de santé mentale. Néanmoins, les résultats des tests sont transmis conjointement avec l’interprétation que fait l’entreprise quant à la pertinence du traitement, aux risques de réactions indésirables et, parfois, aux recommandations thérapeutiques particulières. Plus d’un gène peut être relié à certains médicaments, ce qui donne parfois lieu à des recommandations contradictoires.

Un médecin ne devrait jamais se fier aux résultats de tests qui ne sont pas indiqués dans les directives à jour (conformément aux tableaux 3 et 4). Cependant, s’il décide d’agir sur le plan clinique, des échanges avec les patients et les familles sur l’utilisation de médicaments dans une indication non autorisée deviennent un aspect essentiel des soins de qualité. Un médecin qui choisit d’éviter un traitement de première ligne reposant sur un TPG peut finir par utiliser un médicament s’appuyant sur des données moins sécuritaires et moins efficaces pour les enfants et les adolescents.

Le rôle des tests pharmacogénétiques et le moment de les effectuer

Les TPG peuvent être préventifs, effectués avant le début de la médication, ou après qu’elle a été entreprise, afin de contribuer à interpréter la réponse du patient. Ils peuvent entraîner des recommandations posologiques et, parfois, permettre d’éviter un médicament en raison d’un profil PC dangereux ou imprévisible. L’information PG seule ne permet pas de déterminer le médicament à privilégier, mais peut exclure des possibilités de traitement. Le choix du médicament doit toujours reposer sur un tableau clinique complet, y compris les données PG.

Lorsqu’un enfant ou un adolescent reçoit un médicament et y répond bien, les TPG ont peu de valeur, quelle que soit la dose administrée. Si un traitement échoue, des tests peuvent donner un aperçu ou des explications limités sur les raisons pour lesquelles ce traitement n’a pas fonctionné. Chez les patients qui n’ont pas répondu à de multiples médicaments, il est rarement possible d’expliquer ces réponses d’après les seuls variants PG, parce que diverses voies de métabolisation en sont souvent responsables. Des facteurs PD peuvent être en cause, mais ils ne sont pas encore bien compris.

Un travail consultatif pour répondre aux résultats des tests pharmacogénétiques

De plus en plus, les familles apportent les résultats de TPG à leurs rendez-vous pédiatriques. Il arrive que ces tests aient été effectués à la recommandation d’un professionnel de la santé, mais souvent, les familles ont décidé elles-mêmes de les faire effectuer et ont pris les dispositions en ce sens.

Pour aider les patients et les familles à comprendre si les résultats des tests ont de l’importance, les dispensateurs de soins pédiatriques doivent pouvoir répondre aux quatre questions suivantes :

1. Quels tests effectués à l’égard d’une association entre un médicament et un gène sont-ils couverts par des directives sur les tests pharmacogénétiques?

Les tableaux 2, 3 et 4 permettent de répondre à cette question. Lorsque les résultats des tests comprennent plusieurs gènes et plusieurs recommandations, les conseils aux familles au sujet des prétentions qui sont appuyées ou non par des données probantes deviennent essentiels à des soins de qualité. Les directives cliniques à jour qui tiennent compte de l’évolution des TPG se trouvent dans les annotations des directives cliniques de la Pharmacogenomic Knowledge Base (PharmGKB). De plus, il est toujours possible de consulter des pharmacologistes cliniques ou des pharmaciens cliniques par voie électronique ou en personne pour obtenir des conseils d’experts.

2. Les résultats des tests pharmacogénétiques ont-ils une influence sur le traitement actuel de cet enfant ou de cet adolescent?

Un traitement à l’aide d’un médicament psychoactif qui est bien toléré et qui est efficace n’a généralement pas besoin d’être associé à une intervention supplémentaire découlant des résultats de TPG. Cependant, la métabolisation d’un jeune peut contribuer à expliquer l’échec d’un traitement ou un EIM. Dans toutes ces situations, il faut tenir compte de l’ensemble du tableau clinique avant de déterminer de modifier ou non la dose ou le traitement en fonction des résultats PG.

3. Les tests pharmacogénétiques peuvent-ils orienter les futurs soins de cet enfant ou de cet adolescent?

Les seuls résultats des TPG ne peuvent pas déterminer quel est le meilleur traitement à administrer, mais peuvent éclairer les décisions relatives aux médicaments à éviter ou à l’optimisation de la posologie. Les facteurs cliniques et les préférences du patient représentent les premiers et les meilleurs repères dans le choix du médicament utilisé pour traiter le trouble de santé mentale d’un enfant ou d’un adolescent. L’information ou les recommandations PG reposant sur des données probantes contenues dans les directives cliniques peuvent ensuite être utilisées pour rajuster la posologie ou sélectionner un autre traitement.

Il est relativement courant qu’un enfant ou un adolescent présente des effets indésirables en réponse à un ou plusieurs agents psychoactifs, lesquels ne peuvent pas être expliqués par une plus grande exposition aux médicaments découlant de variations génétiques liés au métabolisme des médicaments. Si un patient reçoit des recommandations PG qui indiquent de prescrire une dose plus élevée que celle d’un traitement standard, le médecin doit faire preuve d’un jugement clinique éclairé. Puisque les événements indésirables sont plus susceptibles de provoquer des variations PD, il serait plus avantageux pour les patients de commencer par une dose plus faible et de l’augmenter graduellement.

4. Les résultats des tests pharmacogénétiques ont-ils une incidence sur les médicaments non psychoactifs que prend cet enfant ou cet adolescent?

Les résultats des TPG peuvent orienter le médecin à l’égard de médicaments qui n’ont rien à voir avec la santé mentale. Les inhibiteurs de la pompe à protons et l’utilisation chronique d’anti-inflammatoires non stéroïdiens en sont des exemples courants. Plus d’information figure dans les annotations des directives cliniques de la Pharmacogenomic Knowledge Base (PharmGKB).

Conclusion

Les TPG sont prometteurs pour la sélection de médicaments plus sécuritaires, plus efficaces et plus individualisés pour les enfants et les adolescents ayant des troubles de santé mentale. Des tests sont actuellement recommandés à l’égard de la carbamazépine, de l’acide valproïque (chez les enfants de moins de deux ans) et de la tétrabénazine, mais ce ne sont pas tous les régimes d’assurance maladie provinciaux et territoriaux qui en couvrent les coûts. Les médecins se voient souvent remettre les résultats de TPG et doivent alors se rappeler qu’en ce moment, les meilleures données probantes à jour ne sont suffisantes qu’à l’égard de quelques associations de médicaments et de gènes sélectionnés en pédiatrie. Savoir quand entreprendre les tests, quand en interpréter ou en rejeter les résultats et quand consulter des experts-conseils devient essentiel à des soins de qualité en santé mentale pour les enfants et les adolescents.

Remerciements

Le comité directeur de la section de la pédiatrie du développement, le comité de la pédiatrie communautaire, le comité de la santé de l’adolescent et le comité de la santé mentale et des troubles du développement de la Société canadienne de pédiatrie ont révisé le présent point de pratique.


COMITÉ DE LA PHARMACOTHÉRAPIE DE LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PÉDIATRIE (avril 2023)

Membres : Geert ’t Jong MD, Ph. D. (président); Shinya Ito MD; Yaron Finkelstein MD; Derek McCreath B. Sc. pharm.; Tom McLaughlin MD; Charlotte Hepburn FRCPC, MD; Eva Slight-Simcoe B. Sc. (santé), MD (membre résidente)

Représentant : Michael Rieder MD (Société canadienne de la pharmacologie et de la thérapeutique)

Auteurs principaux : Ruud H.J. Verstegen, MD, Ph. D. (The Hospital for Sick Children, Université de Toronto); Iris Cohn, M. Sc., pharm. a. (The Hospital for Sick Children); Mark E. Feldman, MD, FRCPC (Université de Toronto); Daniel Gorman, MD, FRCPC (The Hospital for Sick Children, Université de Toronto); Shinya Ito, MD, FRCPC (The Hospital for Sick Children, Université de Toronto)


Références

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  2. Institut canadien d’information sur la santé. Système national d’information sur l’utilisation des médicaments prescrits, numéros 2007–2008 à 2018–2019. (consulté le 5 janvier 2024).
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Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.

Mise à jour : le 29 février 2024