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La prise en charge des abcès cutanés à Staphylococcus aureus méthicillinorésistant d’origine non nosocomiale chez les enfants

Affichage : le 1 février 2011 | Reconduit : le 1 janvier 2020


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Auteur(s) principal(aux)

JL Robinson, MI Salvadori; Société canadienne de pédiatrie, Comité des maladies infectieuses et d’immunisation

Paediatr Child Health 2011;16(2):117-8

Résumé

Les abcès cutanés non complexes chez des enfants auparavant en santé sont généralement pris en charge au moyen d’un simple drainage. Un pourcentage croissant de ces abcès est attribuable aux infections à Staphylococcus aureus méthicillinorésistant. Même si on ne possède pas de données irréfutables, le simple drainage semble constituer une stratégie raisonnable pour traiter les abcès cutanés à S aureus méthicillinorésistant, les antibiotiques étant réservés aux nourrissons de moins de trois mois, aux enfants ayant une maladie systémique, des problèmes médicaux sous-jacents ou une cellulite excentrique importante.

Mots-clés : Methicillin-resistant; Skin abscess; Staphylococcus aureus

La présence d’abcès cutanés chez des enfants auparavant en santé est surtout attribuable à un Staphylococcus aureus sensible à la méthicilline (SASM). Cependant, le S aureus méthicillinorésistant d’origine non nosocomiale (SARM-NN) est récemment devenu une cause courante d’abcès cutanés. Ce type de S aureus résiste à toutes les bêta-lactamines, y compris les pénicillines et les céphalos­porines. Les données provisoires du Programme canadien de surveillance pédiatrique révèlent qu’on observe des SARM-NN dans tout le Canada (Nicole Le Saux, communication personnelle). Des enfants de tout âge, y compris des nouveau-nés, peuvent être infectés par le S aureus méthicillinorésistant (SARM). En clinique, il est impossible de distinguer le SASM du SARM responsable d’un abcès, mais selon une étude, plus de la moitié des abcès attribuables au SARM-NN se situaient sur les fesses et les jambes [1]. Il faut toujours faire une culture de l’écoulement ou du pus provenant d’un abcès cutané infecté, car c’est le seul moyen de dépister le SARM avec fiabilité. Les récurrences sont très courantes. Les facteurs de risque épidémiologiques liés à la propagation du SARM-NN chez l’enfant et dans la famille sont des contacts cutanés étroits, une lésion de la peau telle qu’une coupure ou une abrasion, des objets et surfaces contaminés, l’entassement dans le milieu de vie et une mauvaise hygiène. On a déclaré des grappes ou des taux accrus au sein des populations autochtones, chez les athlètes, les enfants qui fréquentent un milieu de garde, les recrues militaires, les utilisateurs de drogues intraveineuses, les personnes incarcérées, les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes, mais de nombreux enfants infectés ne présentent aucuns facteurs de risque.

Avant que le SARM-NN devienne un problème, le simple drainage était la thérapie acceptée des abcès cutanés sans complication [1]. Tout comme le SASM, le SARM-NN peut provoquer une ostéomyélite, une arthrite septique, une fasciite nécrosante, une septicémie et une pneumonie (particulièrement après une influenza). C’est pourquoi on a soulevé la possibilité que les abcès à SARM-NN progressent en maladie envahissante s’ils ne sont pas traités au moyen d’antibiotiques par voie orale [2], surtout chez les nouveau-nés. Cependant, le seul essai aléatoire mené en pédiatrie depuis l’apparition du SARM-NN ne décrit aucune de ces complications et révèle des taux de guérison équivalents au bout de dix jours de prise de triméthoprime-sulfaméthoxazole (TMP-SMX) ou de placebo après le drainage, un plus grand nombre de récurrences s’observant au suivi de dix jours, mais pas à celui de 30 jours, dans le groupe prenant un placebo [1]. Ainsi, on peut commencer par prendre en charge la plupart des enfants au moyen d’un simple drainage (tableau 1). Il faut réévaluer les patients s’ils présentent des symptômes systémiques, si leurs symptômes localisés s’aggravent ou si leur état ne s’est pas amélioré au bout de 48 heures. Cependant, il faut administrer empiriquement des antibiotiques par voie orale ou parentérale dès la présentation si l’enfant a moins de trois mois ou a une cellulite connexe importante, de la fièvre ou d’autres signes systémiques de maladie.

TABLEAU 1
La prise en charge des abcès cutanés chez les enfants en attendant les résultats des cultures

Contexte

Prise en charge après le drainage de l’abcès

A. Enfant de moins d’un mois

La plupart devraient être hospitalisés et commencer à recevoir des antibiotiques par voie intraveineuse (généralement de la vancomycine accompagnée ou non d’un autre médicament).

On peut envisager une prise en charge ambulatoire au moyen de clindamycine en présence d’un petit abcès (moins de 1 cm), d’un enfant auparavant en santé et d’absence de fièvre ou de signes de maladie systémique et si les parents semblent fiables.

B. Enfant auparavant en santé ayant un abcès cutané

De un à trois mois

- pas de fièvre
- pas d’autres signes systémiques de maladie

TMP-SMX* par voie orale en attendant le résultat des cultures.

De trois mois ou plus

- faible fièvre (moins de 38,0 °C) ou aucune fièvre
- aucuns autres signes systémiques de maladie

Observer après le drainage. N’envisager les antibiotiques que si l’état de l’enfant ne s’améliore pas ou que la culture fait état d’un autre organisme que le Staphylococcus aureus (tel que le streptocoque du groupe A).

De trios mois ou plus

- cellulite excentrique importante
- faible fièvre (moins de 38,0 °C) ou aucune fièvre
- aucuns autres signes systémiques de maladie

TMP-SMX et céphalexine par voie orale en attendant le résultat des cultures.

C. Tous les autres scénarios accompagnés d’un abcès cutané

Souvent des antibiotiques par voie intraveineuse, le choix dépendant de nombreux facteurs.

Il faut drainer tous les abcès. En temps normal, on administre les antibiotiques sur une période de sept jours. *L’utilisation du triméthoprime-sulfaméthoxazole (TMP-SMX) demeure controversée chez les nourrissons de moins de deux mois. La plupart des experts sont d’avis qu’il n’y a pas de risque d’icitère nucléaire chez les enfants en santé de plus de quatre semaines, et bon nombre l’utiliseraient aussi chez les nourrissons de deux à quatre semaines sans jaunisse apparente.


Dans les situations limitées où le médecin décide d’administrer des antibiotiques pour traiter un abcès cutané après le drainage, le TMP-SMX soigne presque la totalité des cas de SASM et de SARM-NN et est généralement bien toléré. On s’inquiète de l’utilisation du TMP-SMX en présence de graves infections parce que ce médicament pénètre peu dans le pus, les poumons et les abcès à parois épaisses et que le S aureus peut produire une quantité suffisante de thymidine pour inactiver le médicament [3]. Cependant, ces préoccupations n’en empêchent pas l’utilisation en présence d’abcès cutanés non complexes. La doxycycline est une bonne solution pour les enfants de huit ans ou plus qui peuvent avaler des comprimés. La clindamycine constitue une autre solution, mais un pourcentage croissant d’isolats du SARM-NN y sont résistants, la suspension a un goût désagréable et ce médicament accroît davantage le risque de colite à Clostridium difficile que le TMP-SMX. Une résistance croissante se révèle également problématique en cas de prise de fluoroquinolones, y compris la ciprofloxacine. Le linézolide est un médicament par voie orale qui agit contre la plupart des SARM-NN, mais il est extrêmement coûteux et n’est pas conseillé pour traiter des abcès cutanés non complexes.

Le mauvais spectre d’action du TMP-SMX contre le streptocoque du groupe A constitue une limite de ce médicament, mais cet organisme est rarement responsable d’abcès cutanés, et ceux qui y sont attribuables sont susceptibles de disparaître après leur drainage, sans antibiothérapie d’appoint. Cependant, en présence d’une cellulite importante accompagnée d’un abcès cutané qui incite à tenir compte de la possibilité de streptocoque du groupe A, de SASM et de SARM, une possibilité convient aux patients ambulatoires, soit l’ajout d’un deuxième antibiotique (normalement de la céphalexine) au TMP-SMX en attendant les résultats des cultures. En cas d’infections cutanées qui prennent d’autres formes que des abcès, les bêta-lactamines demeurent le traitement pertinent dans la plupart des situations, même s’il faut tenir compte de la prévalence locale du SARM-NN, de la gravité de la maladie et des comorbidités du patient.

Les parents sont souvent inquiets lorsqu’on leur annonce que leur enfant est infecté par ce « supermicrobe ». On peut les orien­ter vers de l’excellente documentation, en anglais, à l’adresse www.cdc.gov/mrsa/.

En général, il n’est pas conseillé de procéder à une décolonisation, parce que l’échec est courant malgré de multiples interventions auprès de l’enfant et des membres de la famille.

Conclusion

La majorité des abcès cutanés se résolvent sans antibiotiques après leur drainage. Cependant, les cliniciens peuvent décider d’amorcer une antibiothérapie en attendant les résultats de la culture, notamment chez les nourrissons de moins de trois mois ou chez les enfants qui ont de graves troubles médicaux, des signes de maladie systémique ou une cellulite excentrique importante.

Remerciements

La Société canadienne de pédiatrie remercie les docteurs James Irvine (membre) et Sam Wong (président), qui ont révisé ce point de pratique pour le compte du comité de la santé des Premières nations, des Inuits et des Métis.


COMITÉ DES MALADIES INFECTIEUSES ET D’IMMUNISATION

Membres : Robert Bortolussi MD (président); Jane Finlay MD; Susanna Martin MD (représentante du conseil); Jane C McDonald MD; Heather Onyett MD; Joan L Robinson MD
Représentants : Upton D Allen MD, Groupe canadien de recherche sur le sida chez les enfants; Janet Dollin MD, Collège des médecins de famille du Canada; Charles PS Hui MD, représentant de la SCP auprès de Santé Canada, Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages; Nicole Le Saux MD, Programme canadien de surveillance active de l’immunisation; Larry Pickering MD, American Academy of Pediatrics, comité des maladies infectieuses; Marina I Salvadori MD, représentante de la SCP auprès de Santé Canada, Comité consultatif national de l’immunisation; John Spika MD, Agence de la santé publique du Canada
Conseillers : James Kellner MD; Noni E MacDonald MD; Dorothy Moore MD
Auteures principales : Joan L Robinson MD; Marina I Salvadori MD


Références

  1. Duong M, Markwell S, Peter J, Barenkamp S. Randomized, controlled trial of antibiotics in the management of community-acquired skin abscesses in the pediatric patient. Ann Emerg Med 2010;55:401-7.
  2. Chambers HF, Moellering RC Jr, Kamitsuka P. Clinical decisions. Management of skin and soft-tissue infection. N Engl J Med 2008;359:1063-7.
  3. Proctor RA. Role of folate antagonists in the treatment of methicillin-resistant Staphylococcus aureus infection. Clin Infect Dis 2008;46:584-93.

Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.

Mise à jour : le 7 février 2020