Point de pratique
Affichage : le 14 septembre 2018 | Reconduit : le 11 janvier 2024
Noni E MacDonald, Ève Dubé; Société canadienne de pédiatrie, Comité des maladies infectieuses et d’immunisation
Paediatr Child Health 2018 23(8):560 (Résumé)
Le présent point de pratique contient des conseils fondés sur des données probantes à l’intention des programmes de vaccination provinciaux et territoriaux, des cliniques et des cabinets afin de contrer la réticence face à la vaccination et d’améliorer les taux de vaccination. Les étapes à privilégier s’établissent comme suit : 1) définir les sous-groupes sous-vaccinés (ce qui exige la tenue de registres), les facteurs responsables de la réticence face à la vaccination et les interventions ciblées; 2) enseigner les pratiques exemplaires à tous les dispensateurs de soins qui participent à la vaccination; 3) faire appel à des stratégies fondées sur des données probantes pour accroître les taux de vaccination, y compris les rappels, un emplacement des cliniques et des heures d’ouverture pratiques et des communications adaptées; 4) informer les enfants, les adolescents et les adultes de l’importance de la vaccination pour la santé et 5) travailler en collaboration avec les régions sociosanitaires provinciales et territoriales et avec le gouvernement fédéral, les organismes non gouvernementaux, les leaders communautaires et les services de santé.
Mots-clés : Health communication; Vaccine acceptance; Vaccine education; Vaccine hesitancy; Vaccine uptake
Il est bien connu que la vaccination est une intervention de santé publique importante pour améliorer l’état de santé de la population mondiale [1]. Malheureusement, le Canada ne fait pas bonne figure par rapport aux autres pays industrialisés en matière d’acceptation optimale des vaccins chez les enfants et les adolescents [2]. La réticence croissante face à la vaccination, qui désigne le fait de tarder à accepter la vaccination ou de la refuser même si les services sont disponibles, nuit aux taux de vaccination [3]. Le présent point de pratique contient des conseils fondés sur des données probantes à l’intention des programmes de vaccination provinciaux et territoriaux, des cliniques et des cabinets pour contrer le mieux possible la réticence face à la vaccination et améliorer les taux de vaccination. Deux documents destinés aux cliniciens, intitulés Les parents qui hésitent à faire vacciner leurs enfants : une mise à jour [4] et Le système d’innocuité vaccinale en huit étapes : des notions pour les travailleurs de la santé [5], complètent le présent point de pratique.
Des raisons multiples et variables motivent la réticence face à la vaccination, laquelle ne se limite pas nécessairement à des groupes ou à des communautés en particulier [1][3]. Même dans une province ou un territoire donné, la réticence face à la vaccination n’est pas uniforme, mais tend à se manifester par grappes (p. ex., dans une communauté ou un groupe religieux axé sur les pratiques médicales naturelles ou non traditionnelles). Dans ce processus, il est essentiel de déterminer les facteurs responsables de la réticence face à la vaccination dans une communauté ou un groupe donné et les meilleurs moyens d’intervenir.
L’OMS a publié un document, intitulé Tailoring immunization programmes to reach underserved groups – the TIP approach, qui peut être particulièrement utile aux provinces et aux territoires. L’application des conseils qui y sont dispensés a considérablement accru les taux de vaccination dans divers sous-groupes européens; il s’agira de les adapter au contexte canadien [6][7]. La première étape essentielle de ce programme consiste à définir les sous-groupes sous-vaccinés au Canada. Le meilleur moyen d’y parvenir consiste à créer des bases de données électroniques consultables sur la vaccination dans les provinces et les territoires [8]). Dans une clinique ou un cabinet doté de dossiers médicaux électroniques, il est possible de signaler les patients sous-vaccinés, de même que de nombreux autres facteurs sous-jacents déterminés par les dispensateurs de soins. Un sondage créé aux États-Unis pour repérer les parents réticents face à la vaccination [9] pourrait également être adapté aux contextes canadiens et utilisé dans les cliniques.
Des études réalisées dans divers pays démontrent encore et encore que les convictions des dispensateurs de soins au sujet de la vaccination exercent une forte influence sur l’acceptation des vaccins par les patients [10]-[12] Plus les dispensateurs de soins font confiance à la sécurité et à l’efficacité des vaccins, plus les parents qui les consultent partagent ces convictions. De même, le dossier de vaccination des dispensateurs de soins tend à se refléter dans le dossier de vaccination de leurs patients. Ainsi, non seulement les perceptions et les convictions des dispensateurs de soins ont-elles une incidence sur les prises de décision des parents envers la vaccination, mais leurs attitudes et leurs comportements auprès des familles peuvent également contribuer aux inquiétudes des parents envers la vaccination ou à leur acceptation des vaccins [13].
Afin d’obtenir des résultats optimaux, tous les dispensateurs de soins doivent transmettre de l’information uniforme et exacte aux parents au sujet de la sécurité et des bienfaits des vaccins, sur un ton respectueux et positif [5][14]. Pour assurer une continuité, les programmes de vaccination, les cliniques et les cabinets doivent s’assurer que tous les dispensateurs de soins qui leur sont associés maintiennent leur statut vaccinal à jour et sont formés pour transmettre l’information de manière exacte et positive. C’est important, parce que selon les études, certains dispensateurs de soins sont eux-mêmes réticents face à la vaccination [15]. Tous les dispensateurs de soins doivent posséder de bonnes connaissances sur les bienfaits des vaccins et les enjeux de sécurité qui s’y rapportent. Ceux qui les administrent directement doivent également pouvoir parler des pratiques exemplaires, des risques particuliers et graves des maladies évitables par la vaccination, des effets secondaires possibles des vaccins, des systèmes de surveillance des effets indésirables au Canada, de l’importance d’un langage clair, de la formulation (privilégier les approches axées sur la présomption plutôt que sur la participation) et des techniques d’entrevue motivationnelle ainsi que des stratégies pour soulager la douleur [4][5][16]-[18]. Puisque les dispensateurs de soins subissent de nombreuses pressions pour se tenir informés dans divers domaines de pratique, les mises à jour sur la vaccination doivent être courtes, attrayantes et facilement accessibles.
Parmi les stratégies dont l’efficacité est démontrée pour accroître les taux de vaccination, soulignons les suivantes :
L’acquisition de connaissances sur l’immunisation est un facteur reconnu pour accroître les taux de vaccination [19]-[20], mais les connaissances seules ne suffisent pas. La transmission de convictions positives au sujet de la vaccination aux particuliers et à la communauté contribue de manière importante aux taux de vaccination. Il peut être utile de viser le cœur et l’esprit et de souligner que l’acceptation vaccinale est une norme sociale, mais il faut faire plus [26]. Il est toutefois possible de concevoir des campagnes de communication efficaces, même auprès des groupes difficiles à joindre, comme on l’a démontré en Australie [27]. Lors de la création de campagnes, il faut comprendre que divers sous-groupes de la population peuvent interpréter très différemment le même message [28]. Dans toute campagne, un élément fondamental consiste à en évaluer les répercussions et à rajuster le tir, au besoin [25]. Il faut mettre à l’essai les messages et les outils sélectionnés pour s’assurer de leur efficacité et de leur capacité à réduire la réticence dans le groupe visé. Entre les régions sociosanitaires, la transmission des « leçons apprises » et des outils et ressources dont l’efficacité est démontrée peut représenter un excellent investissement en temps et en argent. Le partage des ressources devient particulièrement pertinent lorsque les messages visent des sous-groupes non dominants (p. ex., jeunes des régions rurales ou éloignées ou des quartiers pauvres vulnérables ou groupe religieux précis). Il existe des conseils reposant sur des données probantes pour répondre aux détracteurs de la vaccination qui défendent haut et fort leurs convictions lors de séances publiques [29]. L’intégration de l’information sur la vaccination au programme scolaire peut aider à façonner les convictions et l’acceptation des élèves au sujet des vaccins et avoir des avantages semblables à ceux des programmes scolaires sur les enjeux environnementaux, l’intimidation et la défense des données scientifiques [1]. L’Ontario a inclus l’information sur les vaccins aux enfants et aux adolescents dans son plan de modernisation Immunisation 2020. Les données probantes s’accumulent pour démontrer qu’en faisant ressortir le consensus des chercheurs en médecine à l’égard de l’efficacité et de l’innocuité des vaccins, on peut accroître le soutien des vaccins par le public [30]. Le fait de court-circuiter les détracteurs de la vaccination en mettant en évidence les allégations fallacieuses et les tactiques qu’ils utilisent ainsi qu’en réfutant leurs contre-arguments potentiels s’est révélé bénéfique pour immuniser le public contre la rhétorique des climatosceptiques [31]. Le même principe pourrait s’appliquer aux « vaccinosceptiques ».
Pour répondre aux besoins de certains programmes de vaccination provinciaux et territoriaux, il est préférable de collaborer avec le gouvernement fédéral [5] ou avec des organismes non gouvernementaux de pointe, tels que la Société canadienne de pédiatrie ou l’Association canadienne de santé publique. La collaboration avec des chefs communautaires respectés peut également élargir le soutien de la communauté envers la vaccination et accroître les taux de vaccination [1]. Selon une analyse sur les principales religions mondiales, la plupart des doctrines préconisent les soins à autrui, la préservation de la vie et les responsabilités communautaires [32]. Seul le mouvement religieux la Science chrétienne interdit expressément la vaccination, et même ce principe n’est plus rigide. Il faut non seulement faire savoir aux concepteurs des programmes de vaccination et aux dispensateurs de soins de première ligne que de nombreuses doctrines appuient la vaccination, mais également en tirer profit. Lorsque des objections sont soulevées au sujet d’un vaccin dans une localité, des mesures de collaboration entre une communauté culturelle ou religieuse et les dispensateurs de soins qui s’y rattachent peuvent contribuer à contrer le problème [33][34]. Les leaders religieux qui s’associent aux autorités sanitaires pendant une éclosion peuvent avoir un effet puissant. Ils ont d’ailleurs contribué à une augmentation significative de l’acceptation des vaccins dans certaines communautés [34].
En résumé, pour contrer la réticence face à la vaccination au sein des programmes de vaccination provinciaux et territoriaux, des cliniques ou des cabinets, il faut de la planification et la participation de multiples intervenants. La collaboration, une communication adaptée, l’évaluation des résultats cliniques et le partage des leçons acquises sont essentiels pour améliorer les taux de vaccination au Canada.
Le comité de la pédiatrie communautaire de la Société canadienne de pédiatrie a révisé le présent point de pratique.
Membres : Natalie A Bridger MD; Shalini Desai MD; Ruth Grimes MD (représentante du conseil); Timothy Mailman MD; Joan L Robinson MD (présidente); Otto G Vanderkooi MD
Représentants : Upton D Allen MBBS, Groupe de recherche canadien pour le sida chez les enfants; Tobey Audcent MD, Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages, Agence de la santé publique du Canada; Carrie Byington MD, comité des maladies infectieuses, American Academy of Pediatrics; Fahamie Koudra MD, Le Collège des médecins de famille du Canada; Rhonda Kropp B. Sc, inf. MHP, Agence de la santé publique du Canada; Nicole Le Saux MD, Programme canadien de surveillance active de l’immunisation (IMPACT); Jane McDonald MD, Association pour la microbiologie médicale et l’infectiologie Canada; Dorothy L Moore MD, Comité consultatif national de l’immunisation
Conseillère : Noni E MacDonald MD
Auteures principales : Noni E MacDonald MD, Ève Dubé, Ph. D.
Membres: Michelle Barton MD (présidente), Laura Sauvé MD (président sortant), Raphael Sharon MD (représentante du conseil), Sean Bitnun MD, Sergio Fanella MD, Justin Penner MD, Jeannette Comeau MD MSC FRCPC FAAP
Représentants: Dorothy Moore MD (représentant de la SCP auprès Comité consultatif national de l’immunisation), Sean Bitnun MD (Groupe canadien de recherche pédiatrique et périnatale sur le VIH/sida chez les enfants), Isabelle Viel-Thériault MD (représentant de la SCP auprès Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages), Marina Salvadori MD FRCPC (Agence de la santé publique du Canada), Sean O'Leary (American Academy of Pediatrics, comité des maladies infectieuses), Rupeena Purewal MD (représentant de la SCP auprès Programme canadien de surveillance active de l’immunisation, IMPACT), Cora Constantinescu MD (comité de pédiatrie d’AMMI Canada)
Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
Mise à jour : le 21 janvier 2024