Point de pratique
Affichage : le 1 octobre 2012 | Reconduit : le 1 janvier 2020
Alexander KC Leung, Valérie Marchand, Reginald S Sauve; Société canadienne de pédiatrie, Comité de nutrition et de gastroentérologie
Paediatr Child Health 17(8): 458-60
La majorité des enfants de un à cinq ans pour qui les parents consultent parce qu’ils refusent de manger sont en bonne santé et ont un appétit qui convient à leur âge et à leur rythme de croissance. Les attentes irréalistes des parents peuvent donner lieu à des inquiétudes inutiles, et les menaces et punitions déplacées peuvent aggraver le refus de manger de l’enfant. Les médecins doivent procéder à une anamnèse détaillée et à un examen physique général pour écarter une maladie aiguë ou chronique. Ils doivent demander un journal alimentaire et évaluer les attentes des parents à l’égard du comportement alimentaire. Lorsque le « refus de manger » de l’enfant semble lié à des attentes irréalistes, il faut rassurer les parents et leur donner des conseils sur la croissance et le développement normaux des enfants de cet âge.
Mots-clés : Picky eating; Poor eating; Refusal to eat; Toddler; Unrealistic parental expectations
Environ 25 % à 35 % des tout-petits et des enfants d’âge préscolaire sont décrits par leurs parents comme des enfants qui ne mangent pas beaucoup ou des mangeurs « difficiles » [1]-[4]. Les repas et les problèmes d’alimentation des enfants sont une source courante de conflit entre les parents et l’enfant et peuvent inquiéter considérablement les parents. Cependant, la majorité de ces enfants ont un appétit qui convient à leur âge et à leur rythme de croissance [4]. Les pédiatres et les médecins de famille sont en position idéale pour enseigner aux parents comment nourrir leurs enfants de manière efficace et pour leur donner des conseils préventifs afin d’éviter de transformer l’heure des repas en champ de bataille quotidien ou de renforcer les comportements alimentaires problématiques.
Pendant sa première année de vie, un nourrisson moyen prend 7 kg et grandit de 21 cm. Pendant sa deuxième année de vie, il prend environ 2,3 kg et grandit de 12 cm, la plupart des tout-petits atteignant un poids moyen de 12,3 kg et une taille de 87 cm à deux ans [5]. Entre deux et cinq ans, la prise de poids diminue. Les enfants prennent de 1 kg à 2 kg et grandissent de 6 cm à 8 cm par année [5]. Au cours de cette période, la plupart des tout-petits et des enfants d’âge préscolaire voient leur appétit diminuer [4]. Certains parents confondent le poids moyen (le 50e percentile) avec le poids normal. Il n’est pas rare de constater que le poids et la taille de l’enfant se situent dans la plage normale (entre le 3e et le 97e percentile) ou même au-dessus de la moyenne, mais que les attentes des parents en matière de croissance soient excessives. Les enfants ayant une petite structure osseuse peuvent avoir des besoins nutritionnels moins élevés [4].
La plupart des mangeurs difficiles ne naissent pas ainsi. Les efforts parentaux pour inciter les petits mangeurs à manger davantage peuvent avoir l’effet opposé. Les personnes qui s’occupent de l’enfant peuvent exercer des pressions pour qu’il mange, sans tenir compte de la diminution physiologique de l’appétit qui se produit entre un et cinq ans [4]. L’appétit des enfants a tendance à être erratique pendant cette période. Même si la consommation alimentaire des tout-petits et des enfants d’âge préscolaire varie considérablement aux repas pendant la journée, leur apport énergétique quotidien total demeure relativement constant [6]. Les enfants en bonne santé ont une capacité remarquable de maintenir leur équilibre énergétique au fil du temps lorsqu’on leur propose un assortiment d’aliments nutritifs [6]. Les parents qui pensent que leur enfant est anormalement petit ou vulnérable sur le plan nutritionnel sont plus susceptibles de réagir de manière exagérée aux variations d’appétit de l’enfant [7].
Tandis que les tout-petits cherchent à acquérir un sentiment d’autonomie, ils préfèrent manger seuls et deviennent sélectifs dans leurs choix d’aliments [8]. Si on exerce des pressions pour qu’ils mangent ou qu’on les force à manger, leur besoin d’autonomie peut les inciter à y résister [7].
Les jeunes enfants ont tendance à être néophobes, c’est-à-dire qu’ils n’aiment pas les nouveaux aliments [8], ce que leurs parents perçoivent souvent comme caractéristique d’un mangeur difficile. Malgré les réactions initiales négatives aux nouveaux aliments, ils apprennent à les accepter au fil du temps et avec des expositions répétées et neutres [7][9].
Une consommation excessive de liquides (p. ex., lait, jus de fruit) ou de sucreries peut réduire l’appétit de l’enfant aux repas et aux collations, remplacer des aliments plus calorifiques et plus nutritifs et, chez certains enfants, provoquer un retard de croissance [10][11]. Le grignotage entre les repas et les collations déjà planifiés peut également nuire à l’appétit de l’enfant.
Chez certains enfants, le refus de manger peut constituer un moyen d’attirer l’attention [4]. Ce comportement peut également être indicateur d’un problème dans la relation entre le parent et l’enfant [7]. Selon certaines données, un environnement familial dysfonctionnel serait inversement proportionnel à l’apport nutritionnel de l’enfant [12].
Le refus de manger peut également être attribuable à des techniques d’alimentation maladroites. Des stratégies comme les menaces, les remontrances, les réprimandes, les punitions, les plaidoyers, le chantage ou la coercition réduisent l’apport alimentaire plutôt que de l’augmenter [8][13]. Les louanges ou un regard aimant sont considérés comme des moyens positifs pour inciter l’enfant à développer ses goûts alimentaires [4][13].
La plupart des enfants aiment imiter les autres. La famille et les camarades de l’enfant constituent des modèles pour l’acquisition des préférences et des habitudes alimentaires. Si un membre de la famille ou un autre enfant refuse un aliment donné, le tout-petit peut imiter ce comportement [4]. L’observation de la famille et du groupe de camarades se révèle efficace non seulement pour inciter un enfant récalcitrant à manger, mais peut également constituer un moyen important pour élargir la variété des aliments acceptés [14].
L’atmosphère aux repas est importante pour le comportement alimentaire de l’enfant. Une attitude d’encadrement et de tolérance a un effet positif, tandis que la distraction et les querelles sont négatives [15]. Le fait d’insister sur des comportements et des manières à table qui ne sont pas adaptés à l’âge de l’enfant peuvent également nuire à son alimentation [3].
Il est nécessaire d’obtenir une anamnèse détaillée pour déterminer si le refus de manger est attribuable à une diminution physiologique de l’appétit ou à une cause organique. Les antécédents alimentaires détaillés des trois à sept jours précédents peuvent contribuer à évaluer l’apport calorifique de l’enfant. Il faut prendre note de la portion habituelle, du temps nécessaire pour terminer un repas normal et de l’atmosphère aux repas. Si des aliments précis sont mangés une journée et refusés le lendemain, le problème provient souvent d’attentes irréalistes [4]. La diminution de l’appétit qui sous-tend une maladie organique se manifeste souvent de manière abrupte et s’associe à tous les types d’aliments. Il est important de procéder à une évaluation fonctionnelle complète pour écarter la possibilité de nombreuses maladies aiguës ou chroniques liées à l’anorexie. Certains médicaments sont également responsables d’une perte d’appétit.
Il est essentiel d’effectuer un examen physique détaillé pour rechercher les signes d’une mauvaise alimentation et pour écarter une maladie sous-jacente responsable de la perte d’appétit. Il faut prendre des mesures exactes du poids et de la taille et les comparer avec les mesures antérieures, déterminer le poids par rapport à la taille ou l’indice de masse corporelle. Si l’enfant semble en bonne santé et grandit normalement, le refus de manger est habituellement d’ordre physiologique. Même si, d’ordinaire, l’examen physique confirme le bien-être général de l’enfant, la plupart des parents ne seront pas convaincus par des paroles rassurantes si elles ne sont pas précédées d’un examen physique attentif de leur enfant.
Dans la mesure du possible, il faut traiter la ou les causes sous-jacentes du refus de manger. Lorsque ce refus découle d’attentes parentales irréalistes, les conseils suivants peuvent se révéler utiles :
Le comité de la pédiatrie communautaire de la SCP a révisé le présent point de pratique.
COMITÉ DE NUTRITION ET DE GASTROENTÉROLOGIE DE LA SCP
Membres : Dana L Boctor MD; Jeffrey N Critch MD (président); Manjula Gowrishankar MD; Daniel Roth MD; Sharon L Unger MD;
Robin C Williams MD (représentante du conseil)
Représentants : Jatinder Bhatia MD, American Academy of Pediatrics; Genevieve Courant IP, M. Sc., Comité canadien pour l’allaitement; A George F Davidson MD, Human Milk Banking Association; Tanis Fenton, Les Diététistes du Canada; Jennifer McCrea, Santé Canada; Jae Hong Kim MD (ancien membre); Lynne Underhill M. Sc., Bureau des sciences de la nutrition, Santé Canada
Auteurs principaux : Alexander KC Leung MD, Valérie Marchand MD (présidente sortante), Reginald S Sauve MD
Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
Mise à jour : le 2 février 2021