Document de principes
Affichage : le 16 août 2018
Natalie A. Bridger; Société canadienne de pédiatrie, Comité des maladies infectieuses et d’immunisation
Paediatr Child Health 2018, 23(6):424-427.
La vaccination antivaricelleuse généralisée adoptée au Canada depuis 2007 a modifié l’épidémiologie de la maladie et favorisé une diminution importante des hospitalisations qui y sont liées. Cependant, il y aura toujours une population susceptible à la varicelle à cause de traitements ou d’affections responsables d’une immunodépression ou du refus vaccinal des parents. Le présent document actualise et remplace un document de principes publié en 1999 par la Société canadienne de pédiatrie. La position de la SCP sur les politiques d’exclusion des écoles et des milieux de garde n’a pas changé depuis la publication du document original, mais compte tenu de deux rapports d’éclosion de varicelle associée à la fréquentation d’un camp d’été parus depuis 1999, la présente révision contient de nouvelles recommandations afin d’atténuer le risque de transmission de la varicelle dans les camps d’été.
Mots-clés : Chickenpox; Child care; Exclusion; IMPACT; Summer camp; Vaccine; Varicella
Le présent document de principes sera retiré le 1er juillet 2024, car les recommandations relatives à l’isolement sont dépassées. Il est à souligner que les enfants atteints de la varicelle devraient demeurer à la maison et éviter les lieux publics (p. ex., école, milieu de garde) jusqu’à ce que toutes les lésions cutanées aient séché et qu’il n’y ait plus de nouvelles éruptions. Pour en savoir plus, le lecteur peut consulter le RedBook de l’American Academy of Pediatrics et le document de Soins de nos enfants destiné aux parents.
Depuis la publication du document de principes de la Société canadienne de pédiatrie sur le sujet en 1999 [1], le gouvernement a commencé à financer l’administration du vaccin antivaricelleux chez les enfants, qui est devenue systématique. Par conséquent, l’épidémiologie de la varicelle a changé au Canada. Ce n’est plus une maladie infantile courante, mais les enfants immunodéprimés demeurent vulnérables à des maladies graves ou compliquées liées à la varicelle [2]. De plus, en raison d’affections sous-jacentes ou de traitements médicaux responsables d’une immunodépression, il est parfois contre-indiqué d’administrer le vaccin antivaricelleux. Dans les camps d’été du Canada spécialisés pour les enfants atteints de certains problèmes de santé chroniques, les enfants vivent des expériences précieuses, mais s’exposent à un potentiel de transmission de la varicelle.
Le présent document de principes actualise le document original de la SCP pour refléter l’évolution de l’épidémiologie de la varicelle au Canada et contient des recommandations sur les politiques d’exclusion des camps d’été.
Selon les politiques de nombreuses écoles et de nombreux milieux de garde, les enfants atteints de la varicelle doivent encore rester à la maison jusqu’à ce que les vésicules aient séché ou disparu. Pourtant, depuis 1994, la SCP recommande l’exclusion seulement lorsque les enfants sont malades au point d’avoir besoin de soins que ni le personnel de l’école ni celui du milieu de garde ne peut leur fournir [3]. Elle recommande également que les enfants atteints d’une maladie légère soient autorisés à réintégrer le milieu de garde ou l’école dès qu’ils se sentent assez bien pour participer normalement à toutes les activités, quel que soit l’aspect de leur éruption.
Par contre, l’American Academy of Pediatrics (AAP) recommande d’attendre que les vésicules aient séché chez les enfants atteints d’une varicelle sans complication ou qu’aucune nouvelle lésion ne se soit formée depuis 24 heures chez les personnes vaccinées dont les lésions ne forment pas de croûtes [2].
À cause des politiques différentes au Canada et aux États-Unis, certains praticiens et représentants de la santé publique hésitent à assouplir les critères d’exclusion, même pour les enfants qui se sentent bien. Exclure de l’école ou du milieu de garde un enfant atteint d’une maladie légère, qui est actif et se sent autrement bien jusqu’à ce que toutes ses lésions aient séché peut représenter une politique coûteuse pour les parents, qui devront peut-être s’absenter du travail ou payer d’autres modes de garde.
Les humains sont les seuls réservoirs connus du virus varicelle-zona (VVZ) responsable de la varicelle. Cette infection infantile autrefois courante demeure très contagieuse dans tous les contextes communautaires. Selon un rapport publié en 1950 [4], lors d’une éclosion en milieu scolaire, 61 des 67 enfants susceptibles de la maternelle à la quatrième année avaient contracté la varicelle. La période d’incubation dure généralement de 14 à 16 jours, mais peut se limiter à dix jours ou se prolonger jusqu’à 21 jours après le contact [5][6].
D’après les rapports d’épidémiologie, la varicelle peut être transmise par contact avec un cas de 24 à 48 heures avant l’apparition de l’éruption [5][7][8]. Des éclosions de varicelle en milieu hospitalier se sont déclarées alors que la seule voie de transmission possible était aérogène, ce qui démontre la possibilité de contracter le VVZ par inhalation. Le virus se réplique ensuite dans le nasopharynx ou les voies respiratoires supérieures [9][10]. Le VVZ peut être isolé dans du liquide vésiculaire prélevé dans les trois jours suivant l’apparition de l’éruption. De plus, même si des cultures virales des sécrétions nasopharyngées donnent généralement des résultats négatifs, l’utilisation de la méthode d’amplification en chaîne de la polymérase (PCR), plus sensible, permet de déceler l’ADN du VVZ dans ces sécrétions la veille de l’apparition de l’éruption, la quantité la plus élevée d’ADN du VVZ étant décelable le jour même de l’apparition de l’éruption [11][12]. Ces données, de même que les résultats d’études sur les éclosions chez des enfants atteints de la varicelle et du zona, appuient l’hypothèse voulant que le virus soit transmis à la fois par les voies respiratoires et par aérosols à partir des lésions cutanées [13]. Les études laissent également croire à une corrélation directe et solide entre une plus forte virémie et une maladie clinique plus grave (une fièvre plus forte et plus prolongée et un plus grand nombre de vésicules) [14]. Ainsi, l’exclusion des enfants trop malades pour participer pleinement aux activités quotidiennes écarterait efficacement ceux qui présentent la virémie la plus élevée et qui sont susceptibles d’être plus contagieux.
Par conséquent, selon les données d’épidémiologie et de virologie obtenues par PCR, après l’apparition de l’éruption et le diagnostic de varicelle, il est trop tard pour exclure les enfants de l’école ou du milieu de garde, car cette politique ne prévient pas l’exposition des camarades de classe au VVZ.
Aucune donnée ne démontre que les politiques d’exclusion adoptées après le diagnostic de varicelle ralentissent la propagation de la maladie à l’école ou en milieu de garde. Dans une étude de 1991 qui évaluait l’efficacité d’une politique d’exclusion d’une durée de sept jours après l’apparition de l’éruption dans deux écoles de l’Ohio [15], la transmission était plus élevée pendant la période de prodrome (la veille de l’éruption). Aucune transmission n’a été relevée après le retour à l’école des enfants de référence, même si 15 l’ont réintégrée moins de cinq jours après l’apparition de l’éruption.
En 1999, le Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI) a recommandé la vaccination antivaricelleuse universelle à l’âge de 12 à 18 mois. En 2007, chaque province et chaque territoire avait adopté un programme de vaccination antivaricelleuse universelle à une dose [16]. En 2010, le CCNI a mis ses recommandations à jour et ajouté une deuxième dose du vaccin antivaricelleux afin de régler le problème d’échec de la primovaccination et d’atténuation de l’immunité. Depuis, la plupart des provinces et des territoires ont adopté cette recommandation.
Puisque la varicelle est sous-déclarée au Canada, il est difficile d’estimer l’incidence courante de la maladie. Avant l’homologation du vaccin, l’incidence annuelle de la varicelle s’élevait à environ 350 000 cas, dont 1 500 à 2 000 hospitalisations. Cinquante pour cent des enfants avaient eu la varicelle avant l’âge de cinq ans, et 90 %, avant l’âge de 12 ans [17]. Depuis l’adoption du vaccin antivaricelleux universel à une dose, le Programme canadien de surveillance active de l’immunisation (IMPACT) a signalé une diminution importante des hospitalisations causées par la varicelle dans chaque province et chaque territoire, et ce, chez les enfants de tout âge [18]. On a également observé une diminution des hospitalisations chez les nourrissons de moins d’un an et chez les adultes de 20 à 39 ans et de 40 à 59 ans (aucun de ces groupes d’âge ne fait partie des populations à qui le vaccin universel est recommandé), ce qui peut être indicateur d’une diminution de la circulation du VVZ dans la collectivité [19].
Une varicelle qui se déclare après la vaccination est généralement définie par l’apparition d’une maladie varicelliforme au moins 42 jours après la vaccination antivaricelleuse. Les manifestations liées à la varicelle peuvent représenter un défi diagnostique, car elles sont souvent atypiques (éruption maculopapulaire plutôt que vésiculaire classique) [16]. Après la vaccination antivaricelleuse à une dose, on estime que le taux de varicelle postvaccination s’élevait à 3,1 % [20]. Une proportion de plus en plus importante d’hospitalisations découlant de maladies postvaccination s’est observée à la fois au Canada et aux États-Unis après l’adoption généralisée du vaccin antivaricelleux à une dose [2][18]. Cette évolution épidémiologique n’est pas surprenante, compte tenu de la diminution globale des hospitalisations découlant de maladies de souches sauvages. De plus, d’après une étude d’IMPACT, 72 % des cas d’hospitalisations attribuables à une varicelle postvaccination avaient été recensés chez des personnes immunodéprimées [18]. Les personnes qui contractent la varicelle après la vaccination peuvent transmettre le VVZ, mais selon certaines données probantes, elles sont moins contagieuses que les personnes non vaccinées, particulièrement lorsqu’elles présentent moins de 50 lésions [21].
La plupart des données épidémiologiques canadiennes proviennent de données hospitalières, mais les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis ont procédé à la surveillance active de deux régions par l’entremise de leurs établissements de signalement, qui incluaient des hôpitaux et des milieux communautaires (écoles, milieux de garde, cliniques de santé publique, établissements correctionnels et refuges pour sans-abri) [22]. Depuis l’adoption du calendrier de vaccination antivaricelleuse à deux doses en 2006, l’incidence, les hospitalisations et les éclosions ont considérablement diminué. Il convient toutefois de souligner que la proportion de patients atteints âgés de dix à 14 ans et de 15 à 19 ans a augmenté. De plus, l’âge médian des patients atteints et vaccinés est passé de huit ans (en 2006) à neuf ans (en 2010) dans une région, et de six ans (en 2006) à sept ans (en 2010) dans l’autre. L’âge médian des cas non vaccinés était plus élevé dans les deux régions. Si une augmentation similaire de l’âge d’apparition de l’infection se prépare au Canada, ce virage épidémiologique pourrait toucher les enfants et les adolescents qui fréquentent des camps.
Deux rapports d’éclosion de varicelle dans des camps d’été ont été publiés [23][24]. La première éclosion a eu lieu en 1997 au Connecticut, dans un camp pour enfants infectés par le VIH. Il s’agissait d’un camp de cinq jours accueillant 110 campeurs de sept à 16 ans. Avant leur arrivée au camp, les familles de chaque enfant et chaque membre du personnel devaient remettre un formulaire précisant l’histoire de varicelle ou de zona et le statut de vaccination antivaricelleuse du futur campeur ou du futur employé. Les enfants étaient exclus s’ils avaient été récemment exposés à la varicelle. Selon ce processus de déclaration, 31 des 110 campeurs et quatre des 96 membres du personnel étaient considérés comme susceptibles à la varicelle. Onze des 31 campeurs et deux des quatre membres du personnel susceptibles ont contracté la varicelle peu après avoir quitté le camp. Deux enfants ont été hospitalisés, dont un a développé une cellulite. Une étude de l’éclosion a révélé que le cas de référence le plus probable était un campeur qui était atteint du zona pendant son séjour, mais qui n’avait informé personne de ses symptômes. L’étude sur l’éclosion a également établi que l’information sur la susceptibilité à la varicelle et l’exposition remise avant le camp était souvent incomplète.
La deuxième éclosion s’est déclarée dans un camp d’été pour enfants atteints d’une maladie pulmonaire chronique. Le patient de référence était un garçon de 11 ans atteint d’asthme qui a contracté une varicelle classique trois jours après son arrivée au camp. Le personnel du camp ne savait pas que cet enfant avait été exposé à la varicelle deux semaines auparavant. L’éclosion a touché cinq des 106 campeurs et deux des 96 membres du personnel.
La vaccination antivaricelleuse universelle a favorisé un recul annuel considérable des cas d’hospitalisations liées à la varicelle au Canada. Même si ce n’est pas un marqueur exact de la varicelle en circulation dans la communauté, ce constat laisse supposer que le fardeau de la varicelle a beaucoup diminué au pays. Les maladies postvaccination demeurent problématiques, mais selon les données probantes à jour, elles sont plus légères et leur contagiosité est plus faible. Une adoption plus généralisée du calendrier de vaccination à deux doses pourrait contribuer à réduire les cas postvaccination. De plus, selon des études écologiques, « l’immunité collective » pourrait être accrue par la vaccination infantile universelle, même s’il faudrait connaître le véritable taux de couverture vaccinale pour évaluer cette tendance. Cependant, malgré les multiples effets bénéfiques du vaccin contre la varicelle, un groupe d’enfants demeure susceptible à la maladie à cause de traitements ou d’affections responsables d’une immunodépression ou du refus vaccinal des parents. De plus, à mesure que les cas de varicelle se raréfient, une plus forte proportion d’enfants contracte des infections de type zona, que l’immunité collective ne prévient pas et qui sont liées à la transmission du VVZ dans les écoles et les milieux de garde [13]. C’est pourquoi les politiques d’exclusion demeurent pertinentes.
Le fait que la varicelle ne soit plus une maladie infantile courante et que les manifestations cliniques de la maladie se soient modifiées et atténuées chez la plupart des enfants vaccinés confirme l’importance d’informer les parents et les personnes qui s’occupent d’enfants susceptibles à la maladie des signes, des symptômes, du mode de transmission et de la période d’incubation du VVZ.
D’après les données présentées dans des documents antérieurs de la SCP et les données épidémiologiques à jour, la position de l’organisme sur les politiques d’exclusion des écoles et des milieux de garde n’a pas changé. La SCP recommande les politiques fondées sur des données probantes suivantes dans les écoles et les milieux de garde :
Dans les camps
Le comité de la pédiatrie communautaire de la Société canadienne de pédiatrie a révisé le présent document de principes.
Membres : Michelle Barton-Forbes MD; Sean Bitnun MD; Natalie A. Bridger MD; Shalini Desai MD (membre sortante); Michael Forrester MD (membre résident); Ruth Grimes MD (représentante du conseil); Nicole Le Saux MD (présidente); Timothy Mailman MD; Karina Top MD; Otto G. Vanderkooi MD
Représentants : Upton D. Allen MBBS, Groupe de recherche canadien sur le sida chez les enfants; Tobey Audcent MD, Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages, Agence de la santé publique du Canada; Carrie Byington MD, comité des maladies infectieuses, American Academy of Pediatrics; Fahamia Koudra MD, Le Collège des médecins de famille du Canada; Marc Lebel MD, Programme canadien de surveillance active de l’immunisation (IMPACT); Jane McDonald MD, Association pour la microbiologie médicale et l’infectiologie Canada; Dorothy L. Moore MD, Comité consultatif national de l’immunisation; Howard Njoo MD, M. Sc. S., Agence de la santé publique du Canada
Conseillère : Noni E. MacDonald MD
Auteure principale : Natalie A. Bridger MD
Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
Mise à jour : le 7 février 2024