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La pneumonie pédiatrique complexe : le diagnostic et la prise en charge de l’empyème

Affichage : le 18 décembre 2018 | Reconduit : le 11 janvier 2024


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Auteur(s) principal(aux)

TK Chibuk, E Cohen, JL Robinson, S Mahant, DS Hartfield; Société canadienne de pédiatrie. Mise à jour par Jennifer Walton, Section de la pédiatrie hospitalière

Résumé

La pneumonie peut être compliquée par un empyème, qui passe d’un épanchement exsudatif à une phase fibrinopurulente accompagnée de formation de cloisons, puis s’organise en une épaisse excoriation fibrineuse. Les principaux organismes responsables sont le Streptococcus pneumoniae, le Staphyloccocus aureus (y compris le S aureus méthicillinorésistant) et le Streptococcus pyogenes. En imagerie diagnostique, une radiographie pulmonaire suivie d’une échographie pulmonaire est favorisée. La tomodensitométrie pulmonaire et les radiations qui s’y associent ne devraient pas être utilisées systématiquement. L’antibiothérapie devrait éradiquer les organismes causaux les plus courants. Une prise en charge invasive ou chirurgicale supplémentaire est recommandée pour réduire la durée de la maladie si elle ne répond pas rapidement aux antibiotiques et entraîne une gêne respiratoire marquée. Le choix de la prise en charge devrait dépendre des meilleures données probantes et des compétences locales. La chirurgie thoracoscopique assistée par vidéo ou l’insertion d’une sonde thoracique percutanée de petit calibre instillant des fibrinolytiques constituent les meilleures possibilités à l’heure actuelle.

Mots-clés : Chest tube; Complicated pneumonia; Empyema; Fibrinolytics; Paediatric

La pneumonie est l’une des principales raisons d’hospitaliser des enfants. Même si la plupart des pneumonies bactériennes se résorbent grâce au traitement de l’infection sous-jacente, certains cas sont compliqués par l’apparition d’un empyème, défini comme un épanchement intrapleural de pus ou d’importants exsudats parapneumoniques (phase 1), qui peuvent évoluer jusqu’à former des cloisons (phase 2), puis une excoriation fibrineuse (phase 3). Les petits épanchements parapneumoniques sont courants et ne doivent pas être drainés. Il existe d’autres complications de la pneumonie (p. ex., abcès pulmonaires ou poumon nécrosant), mais elles dépassent la portée du présent document. Chez un hôte immunocompétent, les agents pathogènes les plus courants dans ce contexte sont le Streptococcus pneumoniae, le Staphylococcus aureus et le Streptococcus pyogenes (streptocoque du groupe A). Le S aureus méthicillinorésistant (SARM) est possible, surtout en cas de pneumonie postgrippale [1][2]. Les premières études réalisées après l’adoption du vaccin antipneumococcique heptavalent conjugué (Pneu-C-7) font état d’une incidence accrue de pneumonies pédiatriques complexes [3]-[6], causées en partie par l’émergence de sérotypes non vaccinaux du pneumocoque. Selon des données probantes récentes, l’incidence de pneumonies complexes découlant de sérotypes particulièrement virulents (comme le sérotype 19A) serait à la baisse depuis que le vaccin Pneu-C-7 a été remplacé par le vaccin conjugué 13-valent (Pneu-C-13) [7][8].

La présentation clinique

Les enfants ayant une pneumonie complexe présentent de nombreux signes et symptômes de pneumonie non complexe, y compris la tachypnée, la fièvre, la toux et la détresse respiratoire. Le patient peut consulter en raison d’une pneumonie complexe ou d’une pneumonie d’abord non complexe qui répond mal aux antibiotiques (fièvre persistante après 48 à 72 heures d’antibiothérapie sans amélioration clinique, détresse respiratoire persistante ou s’aggravant ou hypoxie ou nouvelles observations cliniques d’épanchement pleural). Les observations à l’examen qui cadrent avec un épanchement pleural incluent une diminution du murmure vésiculaire, une diminution de l’expansion thoracique et une matité à la percussion du côté atteint.

Le diagnostic

La radiographie pulmonaire (RP) devrait toujours être la première modalité d’imagerie. L’échographie constitue une modalité non invasive sans radiation qui permet de confirmer la présence d’un épanchement pleural présumé à la RP. De plus, elle permet d’évaluer la dimension de l’épanchement et de distinguer des épanchements fluides de ceux qui forment des cloisons [9]. La tomodensitométrie pulmonaire s’associe à une exposition marquée aux radiations, et en général, elle ne modifie pas la prise en charge et ne permet pas de prédire les résultats cliniques. C’est pourquoi il ne faut pas l’utiliser systématiquement [10]. Cependant, il faut l’envisager lorsqu’on craint un autre diagnostic, tel qu’une tumeur maligne. Il n’est pas nécessaire de reprendre la RP, à moins d’une détérioration clinique évidente. Lorsque le drainage du liquide s’impose sur le plan clinique, il faut faire une culture bactérienne du prélèvement. Le rendement de ces cultures est faible puisque la plupart des enfants prennent déjà des antibiotiques, mais des tests moléculaires comme la réaction en chaîne de la polymérase pneumococcique, si elle est offerte, peut l’améliorer [11]. Les hémocultures ne sont positives que dans une minorité des cas (environ 10 %), mais elles doivent être effectuées avant le début de l’antibiothérapie, dans l’espoir d’orienter le choix d’antibiotiques administrés aux enfants assez malades pour être hospitalisés en raison de leur pneumonie [3]. La culture des expectorations est parfois utile lorsqu’elle est offerte, mais elle est difficile à obtenir. Il n’est toutefois pas possible d’effectuer les tests diagnostiques moléculaires des liquides pleuraux partout, et lorsqu’ils sont effectués, ils confirment souvent le S pneumonia [12].

La prise en charge

La prise en charge de l’empyème est controversée. En plus des antibiotiques, des interventions de drainage de l’espace pleural s’imposent souvent pour accélérer la résolution d’une pneumonie complexe. Une prise en charge prudente, qui se limite aux antibiotiques, peut prolonger l’hospitalisation. Une intervention rapide est recommandée si le patient est en détresse respiratoire modérée à grave [13] (tachypnée qui s’aggrave, difficultés respiratoires ou hypoxie), car le liquide pleural occupe souvent la plus grande partie de l’hémithorax et peut même causer un balancement respiratoire du médiastin. Une consultation rapide auprès d’un chirurgien pédiatrique ou d’un radiologiste interventionniste est recommandée.

Le choix d’antibiotiques

Les antibiotiques demeurent indispensables dans la prise en charge médicale de l’empyème, la thérapie parentérale initiale devant éradiquer la plupart des agents pathogènes courants et étant généralement suivie d’une thérapie orale. L’antibiothérapie est essentielle contre les organismes susceptibles d’être responsables de la pneumonie. Comme il n’y a pas d’essais aléatoires sur le choix d’antibiotiques, particulièrement pour traiter l’empyème, il faut orienter la décision selon l’apparence clinique et la prévalence de S pneumoniae résistant à la pénicilline et les facteurs de risque de SARM. En l’absence d’organisme confirmé, une possibilité d’antibiothérapie empirique initiale serait l’ampicilline ou la céfotaxime-ceftriaxone, selon les lignes directrices locales, ou des antibiogrammes. L’ajout de vancomycine (ou de linézolide) est habituellement réservé aux pneumonies à SARM démontrées par culture ou qui ne sont pas établies et dont les manifestations sont graves. Même s’il n’existe pas de données probantes sur la durée optimale du traitement de l’empyème, de trois à quatre semaines constituent une durée raisonnable si le drainage est adéquat et qu’il n’y a pas de traces d’autres complications. Le passage aux antibiotiques par voie orale convient lorsque le drainage est terminé, que le portrait clinique du patient s’améliore et que celui-ci n’est plus sous oxygénothérapie (c’est-à-dire au congé ou juste avant). Les antibiotiques oraux pertinents varient selon les profils de résistance locaux. Si les cultures sont négatives, l’amoxicilline est l’antimicrobien recommandé. Puisque la résistance du S pneumonia à la pénicilline est très faible, des doses appropriées d’amoxicilline devraient convenir. Dans les cas de résistance démontrée ou présumée du S aureus ou de l’Haemophilus influenzae à la pénicilline, il faut privilégier l’amoxicilline-clavulanate ou un autre médicament approprié ciblant l’agent pathogène. Se reporter au point de pratique de la Société canadienne de pédiatrie intitulé La pneumonie non compliquée chez les enfants et les adolescents canadiens en santé : points de pratique sur la prise en charge pour connaître les posologies convenables [14].

Il n’est pas rare que les enfants atteints d’empyème fassent de la fièvre pendant plus de 72 heures malgré une thérapie pertinente. Si le portrait clinique de l’enfant s’améliore, ce n’est généralement pas un signe d’échec du traitement.

Le choix de l’intervention

Diverses interventions sont utilisées au Canada pour prendre en charge l’empyème, soit l’insertion d’un drain thoracique accompagné ou non de fibrinolytiques, une thoracentèse répétée, une chirurgie thoracoscopique assistée par vidéo (CTAV) et une thoracotomie ouverte associée à une décortication. Malgré la controverse et la nécessité de tenir d’autres essais aléatoires, les meilleures données probantes indiquent que la CTAV, la thoracotomie précoce ou l’installation d’un drain thoracique de petit calibre instillant des fibrinolytiques (DTIF) assurent les meilleurs résultats cliniques, mesurés selon la durée d’hospitalisation [15]-[20]. La DTIF est peut-être le choix le plus économique [21]. Les cliniciens devraient tenir compte des compétences locales en matière d’interventions (p. ex., un chirurgien chevronné dans l’exécution d’une CTAV ou un radiologiste interventionniste capable d’insérer un cathéter en queue de cochon de petit calibre), ainsi que de la préférence des parents et du patient lorsqu’ils sélectionnent un traitement. Même si, dans la plupart des études, on utilise de l’urokinase comme fibrinolytique en cas de DTIF, cet agent n’est pas offert au Canada. On peut la remplacer par un activateur plasminogène des tissus (à une dose de 4 mg dans une solution saline normale de 30 mL à 50 mL pendant un maximum de trois jours) [22].

Le pronostic et les résultats cliniques

On prévoit un rétablissement complet de la fonction pulmonaire et une normalisation de la RP chez la majorité des enfants atteints d’une pneumonie complexe. Chez quelques patients, l’exploration fonctionnelle respiratoire révèle des anomalies mineures de nature restrictive [23] et obstructive [24] bénigne, mais même ces patients ont une tolérance normale à l’effort. Il faut assurer le suivi des enfants après le congé jusqu’à leur rétablissement clinique et le retour de la RP à la quasi-normale. En effet, il peut falloir plusieurs mois avant que la RP ne se rétablisse tout à fait [25][26]. Il est raisonnable de reprendre la RP au bout de deux à trois mois.

COMITÉ DIRECTEUR DE LA SECTION DE LA PÉDIATRIE HOSPITALIÈRE

Membres : Sanjay Mahant MD (président); Isabelle M Chevalier  MD (présidente désignée); Dawn S Hartfield MD (présidente sortante); Eyal Cohen MD; Jeret Keith McLeod MD; Jennifer Walton MD
Représentant : Nirej Mistry MD, section des résidents, Société canadienne de pédiatrie
Auteurs principaux : Thea K Chibuk MD; Eyal Cohen MD; Joan L Robinson MD; Sanjay Mahant MD; Dawn S Hartfield MD
Mise à jour par Jennifer Walton

SECTION DE LA PÉDIATRIE HOSPITALIÈRE DE LA SCP (2023-24)

Membres:  Melanie Buba MD FRCPC (présidente), Sepideh Taheri MD (présidente désignée), Sidd Thakore MD (président sortant), Geert 't Jong MD PHD (secrétaire-trésorière), Peter Gill FRCPC MD PHD MSC (administrateur), Jennifer Lee Wiebe MD (administratrice)


Références

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  2. Schultz KD, Fan LL, Pinsky J et coll. The changing face of pleural empyemas in children: Epidemiology and management. Pediatrics 2004;113:1735-40.
  3. Byington CL, LaShonda YS, Johnson TA et coll. An epidemiological investigation of a sustained high rate of pediatric parapneumonic empyema: Risk factors and microbiological associations. Clin Infect Dis 2002;34:434-40.
  4. Finley C, Clifton J, FitzGerald JM, Yee J. Empyema: An increasing concern in Canada. Can Respir J 2008;15:85-92.
  5. Byington CL, Korgenski K, Daly J et coll. Impact of the pneumococcal conjugate vaccine on pneumococcal parapneumonic empyema. Pediatr Infect Dis J 2006;25:250-4.
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Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.

Mise à jour : le 19 janvier 2024