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Le traitement familial des enfants et des adolescents anorexiques : Des lignes directrices pour le médecin communautaire

Affichage : le 1 janvier 2010 | Mise à jour : le 7 novembre 2012 | Reconduit : le 28 février 2018


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Auteur(s) principal(aux)

S Findlay, J Pinzon, D Taddeo, DK Katzman; Société canadienne de pédiatrie, Comité de la santé de l’adolescent

Paediatr Child Health 2010:15(1):36-40

Résumé

L’anorexie mentale (AM) est une maladie grave qui met la vie en danger et qui fait généralement son apparition pendant l’adolescence. Les données probantes au sujet du traitement optimal de l’AM chez les enfants et les adolescents sont en croissance, mais il reste beaucoup à apprendre. Même si les démarches thérapeutiques actuelles varient au Canada et ailleurs, les données jusqu’à présent indiquent que le traitement familial (TF) est le plus efficace pour les enfants et les adolescents anorexiques. Un élément essentiel du modèle de TF, c’est que les parents sont investis de la responsabilité de rétablir la santé physique de leur enfant et de s’assurer de la reprise complète de son poids. Le médecin qui comprend les principes fondamentaux et la philosophie du TF peut mettre en place les éléments de cette intervention fondée sur des faits probants auprès des jeunes patients anorexiques et de leur famille.

Mots-clés : Anorexia nervosa; Child and adolescent; Eating disorder; Family therapy; Outpatient

Les troubles de l’alimentation sont courants dans la société canadienne, puisque jusqu’à 5 % des jeunes femmes en vivent un avant l’âge adulte [1]. D’ordinaire, l’anorexie mentale (AM) se déclare au milieu de l’adolescence, mais on l’observe également chez des enfants plus jeunes [2]. L’AM entraîne une grave morbidité chez les jeunes et s’associe à un accroissement de la mortalité [1]. Les répercussions de l’AM sur les parents et les autres membres de la famille peuvent également être dévastatrices. Moins souvent, des garçons et des jeunes hommes doivent également se faire traiter pour l’AM.

Les données probantes au sujet du traitement optimal de l’AM chez les enfants et les adolescents sont en croissance, mais il reste beaucoup à apprendre [3][4]. Même si les démarches thérapeutiques actuelles varient au Canada et ailleurs, les données probantes jusqu’à présent indiquent que le traitement familial (TF) [5]-[8] est le plus efficace pour les enfants et les adolescents anorexiques. Un élément essentiel du modèle de TF, c’est que les parents sont investis de la responsabilité de rétablir la santé physique de leur enfant et de s’assurer de la reprise complète de son poids. Selon ce modèle, une équipe interdisciplinaire traite le patient en consultations externes en aidant la famille à affronter le trouble de l’alimentation et l’enfant à modifier son comportement alimentaire. Les avantages potentiels de cette démarche sont nombreux. Le jeune demeure dans son milieu, ce qui lui permet de maintenir ses liens avec ses amis et sa famille et de poursuivre ses activités, tous des éléments essentiels pour le rétablissement à long terme. La famille devient habilitée à mesure qu’elle découvre sa capacité d’aider l’enfant. Enfin, les rares ressources destinées aux patients hospitalisés peuvent être orientées vers les jeunes dont le trouble de l’alimentation ne peut être pris en charge par un TF en consultations externes.

Même si le TF est considéré comme standard en cas d’AM qui se déclare pendant l’enfance ou l’adolescence, on ne sait pas s’il s’agit de la meilleure démarche initiale chez tous les jeunes patients et leur famille ou si on peut prévoir qui est plus susceptible d’y réagir. De plus, ce modèle n’a pas encore été étudié en milieu communautaire. Cependant, malgré ces limites, le pédiatre ou le médecin de famille qui comprend les principes fondamentaux et la philosophie du TF peut mettre en place les éléments d’une intervention fondée sur des faits probants auprès du jeune patient anorexique [9][10]. Le médecin qui comprend le TF peut également introduire des éléments de ce traitement si le patient et sa famille attendent une consultation auprès de services spécialisés de troubles de l’alimentation pédiatriques.

Le présent document vise à fournir un aperçu général des troubles de l’alimentation chez les adolescents et à décrire les principes du TF chez les enfants et les adolescents anorexiques. Les lecteurs sont invités à se reporter à d’autres articles [1][2][9]-[14] pour obtenir de l’information sur les problèmes diagnostiques, les indications d’hospitalisation, les complications médicales et la surveillance des jeunes ayant un trouble d’alimentation. Le TF à long terme dépasse la portée des services que dispensent les médecins de famille et les pédiatres, mais les médecins communautaires devraient connaître les principes exposés aux présentes et les utiliser comme interventions de première ligne auprès des jeunes patients anorexiques et de leur famille.

La planification du traitement et le TF

Après avoir posé un diagnostic d’AM, le médecin doit déterminer les recommandations thérapeutiques destinées au jeune et à sa famille. Souvent, la première question qui se pose après le diagnostic, c’est : « Où le patient et sa famille devraient-ils se faire traiter? » Lorsque c’est possible, il faut procéder à un aiguillage vers des services spécialisés, mais à bien des endroits au Canada, ces services n’existent pas ou s’associent à de longues listes d’attente. La prise en charge initiale incombe souvent au dispensateur de soins primaires, qui peut prévoir des visites régulières du jeune et de la famille. Dans les endroits où il n’existe pas de services spécialisés, les soins multidisciplinaires devraient demeurer l’objectif, et il faut prévoir un aiguillage vers d’autres professionnels, tels qu’un thérapeute familial, un psychiatre ou une diététiste.

Si le patient n’est pas gravement malade, il faut entreprendre un rétablissement du poids en consultations externes par le principe du TF auprès des préadolescents et des adolescents anorexiques dès que le diagnostic est posé. Il faut éduquer les parents à affronter les symptômes du trouble d’alimentation en leur disant d’abord qu’ils ne sont pas responsables ou à blâmer pour la maladie de leur enfant. Toutefois, les parents sont responsables de s’assurer que leur enfant se rétablisse. Il est probablement peu utile de s’attarder sur la cause des symptômes, mais la famille peut être informée que, dans l’état actuel des choses, on pense que les troubles de l’alimentation sont attribuables à un ensemble de facteurs, à la fois génétiques et environnementaux, et qu’il est impro­bable d’en trouver la cause précise chez leur enfant [1][9][15].

Il faut expliquer aux parents que leur enfant est devenu incapable de s’occuper de lui-même parce qu’il est accablé par une puissante maladie. Il faut leur donner la responsabilité de prendre en charge l’alimentation et les activités physiques de leur enfant afin de s’assurer qu’il reprenne son poids. Il faut les autoriser à adopter une position ferme contre le trouble de l’alimentation et à insister pour une alimentation pertinente, qui doit commencer lentement, mais immédiatement. Les parents sont encouragés à interrompre tout comportement anormal lié à l’alimentation ou à l’exercice. Il est utile d’avertir les parents qu’il sera difficile de réinstaurer l’alimentation, parce que leur enfant risque de devenir colérique et rebelle. Lorsque les deux pa­rents sont disponibles, ils doivent s’assurer ensemble que leur enfant adopte une alimentation convenable qui favorise leur santé. Les parents intéressés peuvent être invités à lire Help Your Teenager Beat an Eating Disorder, par Lock et Le Grange, qui fournit des stratégies approfondies aux parents qui entreprennent de réalimenter leur enfant. Il existe également un excellent site Web anglais tenu par des parents, à l’adresse <www.maudsleyparents.org>, qui procure du sou­tien et de l’information.

Même si la prise en charge précoce de l’AM chez les enfants et les adolescents inclut l’engagement des parents à apporter des changements, il est également essentiel d’établir un rapport et une relation thérapeutique avec le jeune ano­rexique. Au départ, ce peut être difficile, parce que dans la plupart des cas, le jeune est amené au cabinet du médecin contre son gré, souvent sans qu’il ait admis ses habitudes alimentaires. Ce « déni » que projettent si souvent les patients ayant des troubles de l’alimentation représente l’une des carac­téristiques les plus exigeantes de la maladie pour les médecins. Les patients peuvent être pris à tort pour des enfants têtus ou difficiles quand, en réalité, ils ont une ma­ladie psychiatrique dont l’une des particularités les plus frappantes est le déni des symptômes. Même si le patient ne veut pas modifier ses habitudes alimentaires, il sera probablement incommodé par des symptômes, tels que l’amincissement ou la perte des cheveux ou le fait d’avoir toujours froid. De nombreux patients sont également en mesure de convenir qu’ils n’aiment pas être préoccupés par leur poids ou leur silhouette au point de ne pouvoir se détendre ou penser à autre chose. Le fait d’essayer de trouver les quelques éléments désagréables pour le patient peut favoriser le début d’une relation avec le jeune récalcitrant.

Puisque de nombreux jeunes anorexiques nient leurs symptômes, il n’est pas rare que le patient résiste au plan de prise de poids. Pour conseiller aux parents de modifier la manière d’affronter le trouble de l’alimentation de l’enfant, il n’est pas nécessaire que le jeune « accepte » les changements proposés à l’alimentation et à l’exercice, car les parents ont tout à fait l’autorité pour imposer des conséquences comportementales (comme le retrait d’activités) en vue de modifier les choix de leur enfant. Les stratégies classiques de modification du comportement, comme de récompenser les comportements souhaitables et d’attribuer des conséquences en cas de comportements peu souhaitables, peuvent être utiles. Par exemple, les parents et les adolescents peuvent négocier des privilèges comme faire de l’exercice ou sortir avec des amis selon la coopération à l’égard de l’alimentation et de la prise de poids. L’adolescent doit comprendre clairement que la santé physique et le rétablissement du poids ne sont pas négociables et que les adultes (c’est-à-dire les parents et les médecins) collaborent pour s’assurer que cela se produise. Cependant, il est toujours utile de tenter d’aider le jeune à comprendre la nécessité de ces changements. Il sera plus susceptible de collaborer si le médecin peut suggérer certains changements pour son compte, comme demander aux parents ou à la fratrie de faire quelque chose d’amusant après le repas afin de le distraire du sentiment de « se sentir gros ».

Le suivi en consultations externes

Les visites médicales en consultations externes sont d’une importance capitale dans la prise en charge précoce de l’enfant ou de l’adolescent anorexique [9][10]. L’un des principaux aspects des visites consiste à établir une relation thérapeutique ouverte avec l’enfant et sa famille. Une fois le diagnostic posé et le soutien aux parents entrepris pour qu’ils assument la responsabilité des habitudes du patient en matière d’alimentation et d’exercice, les visites de suivi médical doivent être très fréquentes et régulières, allant jusqu’à une fois par semaine selon la gravité de la maladie et des complications médicales. Le principal objectif des visites chez les médecins consiste à aider la famille, qui aide le patient à prendre du poids. Il faut discuter de l’objectif de prise de poids continue (de 0,2 kg à 0,5 kg par semaine) avec les parents et l’enfant. L’orientation pour favoriser la prise de poids peut varier. Certaines familles font appel à des suppléments nutritionnels, d’autres réduisent radicalement l’exercice et d’autres encore insistent simplement pour que l’enfant mange davantage. Presque tous les patients ont absolument besoin que les parents soient présents pour les inciter à consommer trois repas et deux ou trois collations par jour. Certaines familles peuvent tirer profit de l’aide d’une diététiste qui peut fournir des suggestions, même si la plupart des parents ont une bonne idée de la quantité d’aliments dont leur enfant a besoin.

Les aspects pratiques de cette intervention fastidieuse comportent de réels défis pour la plupart des familles. Certaines familles sont très occupées, et si elles n’apportent pas certains changements, la reprise de l’alimentation peut être pratiquement impossible. Bien des parents doivent demander un congé ou réduire leurs heures de travail pour assurer une supervision adéquate de l’alimentation. Les médecins peuvent offrir d’écrire une lettre à l’employeur si les parents ont besoin d’un soutien. Pour la plupart des patients, la scolarité doit se poursuivre, même si les parents doivent peut-être les ramener à la maison pour le dîner s’ils ont des raisons de croire que le repas complet ne sera pas consommé. La plupart des patients doivent arrêter l’activité physique au début du processus de réalimentation, mais les autres acti­vités peuvent se poursuivre si elles ne nuisent pas à une alimentation et à une prise de poids suffisantes. Lorsque la prise de poids se maintient régulièrement à chaque visite, il est possible de reprendre lentement l’activité physique, tout en surveillant la poursuite de la prise de poids. On peut préciser aux familles que le temps consacré et la supervision intense exigée en début de traitement sont bien investis et qu’ils offrent à l’enfant ou à l’adolescent la meilleure chance de se rétablir complètement.

De nombreuses familles expriment des doutes quant à l’efficacité de cette stratégie, car elles pensent avoir « tout » fait pour convaincre leur enfant de manger. En réalité, le fait d’expliquer aux parents qu’ils ont le droit et la responsabilité de s’assurer que leur enfant mange et de les inciter à former un front uni devant l’enfant peut modifier considérablement la situation. Dans les familles où les deux parents sont engagés (même s’ils habitent dans des foyers différents), il est recommandé qu’ils participent tous deux activement au travail « pratique » de réalimenter l’enfant. C’est un puissant message pour l’enfant que de savoir que ses deux parents collaborent pour lutter contre l’AM. Il est souvent nécessaire de rappeler fréquemment aux parents que la maladie a altéré la capacité de l’enfant ou de l’adolescent de s’occuper correctement de lui-même et que sans leur prise en charge continue, il ne se rétablira pas.

Selon l’âge du patient, les visites devraient presque toujours commencer par avoir lieu seulement avec l’adolescent. Le début des visites devrait commencer par être ouvert et amical, laissant l’adolescent libre de poser des questions sur tout problème qu’il désire aborder. Étant donné la fréquence des visites, le médecin a l’occasion de s’informer d’autres volets de sa vie (p. ex., l’école, les amis ou le sport) pour souligner que tout n’est pas axé sur son poids. Même si, au début, ces échanges peuvent sembler se limiter à du bavardage, vous faites comprendre au jeune que vous vous intéressez à lui en tant qu’individu et qu’il est important, un message que de nombreux patients ano­rexiques peinent à croire.

Pour bien des patients, un suivi régulier peut avoir des conséquences positives sur les comportements liés au trouble de l’alimentation. Ils peuvent être moins susceptibles de restreindre leur consommation d’aliments, de trop faire d’exercices ou de se purger puisqu’ils savent qu’ils en parleront et qu’ils seront pesés ou examinés chaque semaine. De leur côté, les parents peuvent moins tolérer ces comportements chez leurs enfants puisqu’ils se savent responsables d’y mettre un frein pour le compte de leur enfant. La visite chez le médecin pour la pesée provoque beaucoup d’anxiété. Il faut donc la rendre la plus prévisible possible, pour que l’adolescent et sa famille en connaissent les étapes successives.

À chaque visite, le médecin voudra découvrir les principaux comportements liés au trouble de l’alimentation, soit l’alimentation, l’exercice et les purges. Les adolescents ayant un trouble de l’alimentation ont la réputation d’être dissimulateurs, mais ce n’est généralement pas le cas. Lorsqu’on leur pose des questions de manière empathique et non critique, la plupart des patients sont honnêtes à l’égard de leurs problèmes. Ils doivent savoir que vous ne serez pas fâché ou déçu s’ils éprouvent des difficultés. D’ailleurs, il peut être utile de discuter avec les parents de combien il est ardu pour l’adolescent de renoncer au contrôle vis-à-vis de l’alimentation et de l’exercice et de tolérer une prise de poids. Il est bon de rappeler au patient que les parents et le médecin collaborent dans leur lutte contre le trouble de l’alimentation, et non contre l’adolescent. Le médecin peut également expliquer au patient la nécessité de rétablir son poids, discuter des risques de la malnutrition à court et à long terme et l’encourager à apporter des changements à ses profils d’alimentation et d’exercice.

L’information que divulgue le patient à chaque visite doit être considérée comme confidentielle. Il est toutefois impor­tant de l’avertir des limites de cette confidentialité. Certains comportements ou symptômes liés aux troubles de l’alimentation entraînent des problèmes de sécurité immé­diats et à long terme et ne peuvent pas toujours être cachés aux parents. Parmi les exemples, soulignons un récent éva­nouissement, de l’hypokaliémie, de l’hématémèse ou des intentions suicidaires.

Après la période initiale seul à seul avec l’adolescent, le médecin devrait quitter la pièce pour permettre à l’adolescent de se déshabiller en conservant ses sous-vêtements et de mettre une blouse d’hôpital. Dans la mesure du possible, il faut utiliser le même pèse-personne à chaque visite, et il faut demander à l’adolescent de fournir un échantillon d’urine et de se vider complètement la vessie. Chaque fois, on peut ainsi mesurer le poids avec constance. Il est important de vérifier la taille et la maturation sexuelle du patient par intermittence s’il n’a pas fini de grandir et de se développer. Il faut vérifier la fréquence cardiaque et la tension artérielle orthostatique à chaque visite. Une conscience de soi extrême et, parfois, une franche haine du corps accompagnent les troubles de l’alimentation, et l’examen physique peut être extrêmement pénible pour le patient. Il faut accorder une attention particulière au besoin de respect de la vie privée de l’adolescent.

Le reste de la visite doit comprendre une rencontre avec les parents qui accompagnaient le patient au rendez-vous. Puisque la prise en charge initiale de l’AM consiste à rendre les parents responsables de l’alimentation de l’enfant, ceux-ci auront besoin de commentaires réguliers sur la prise de poids de leur enfant. Si l’enfant ne prend pas de poids, il est impor­tant de discuter à la fois avec les parents et les adolescents du problème possible et des modifications à apporter pour garantir une alimentation convenable. Les parents peuvent avoir de la difficulté à assurer un soutien convenable aux repas ou à insister pour réduire l’exercice afin d’éviter des conflits désagréables avec leur enfant. Le médecin peut rappeler aux parents que les conflits qui surgissent font partie du processus nécessaire pour aider leur enfant à recouvrer la santé et que s’ils évitent les conflits, ils risquent de prolonger le trouble de l’alimentation.

L’association de visites individuelles avec le jeune, suivies de rencontres avec le patient et ses parents, constitue une intervention initiale qui peut être proposée à tous les enfants et les adolescents anorexiques. Dans des cas d’AM moins graves, ce conseil, couplé à un counseling familial général, peut suffire pour régler les symptômes. Chez les patients en attente de services plus spécialisés, cette intervention initiale peut prévenir la détérioration et l’hospitalisation ou réduire la nécessité de traitements plus intensifs, tels que le séjour dans un hôpital de jour ou un traitement en résidence. Un lent rétablissement du poids constitue le premier objectif du TF. L’amélioration des attitudes vis-à-vis de l’alimentation et de l’image corporelle exige souvent plus de temps. Si le TF en consultations externes n’entraîne pas de prise de poids, il convient de demander un aiguillage vers des services spécia­lisés dans les troubles de l’alimentation.

Conclusions

L’AM est un grave trouble de l’alimentation qui met la vie en danger et qui s’observe généralement chez les adolescents, mais qu’on constate de plus en plus chez les enfants prépubères. Le médecin qui soigne des jeunes anorexiques doit être en mesure d’intervenir dès le diagnostic posé. Pendant la prise en charge initiale, le médecin doit habiliter et soutenir les parents à adopter une position ferme contre les comportements liés au trouble de l’alimentation (restrictions, purges et surexercice) et à amener le patient à ses rendez-vous médicaux réguliers. Voir le tableau 1 pour obtenir le résumé des faits saillants du TF contre l’AM.

Tableau 1. Les éléments pratiques d’un traitement centré sur la famille que le médecin peut entreprendre lorsqu’il soigne des enfants ou des adolescents ayant une anorexie mentale
Les parents :
  • ne sont pas responsables du trouble de l’alimentation et ne devraient pas être blâmés pour son existence.
  • peuvent être en colère contre le trouble de l’alimentation, mais pas contre leur enfant ayant un trouble de l’alimentation. L’enfant ou l’adolescent qui a un trouble de l’alimentation ne fait pas exprès pour l’avoir ou ne l’a pas pour attirer l’attention.
  • doivent comprendre que l’anorexie mentale est une maladie grave qui ne s’améliorerait probablement pas sans traitement.
  • doivent être responsables de la prise de poids de leur enfant. Le rétablissement du poids constitue la première étape du traitement.
  • doivent être responsables de l’alimentation et de l’exercice tant que l’enfant n’aura pas recouvré la santé.
  • doivent soutenir et superviser les repas et les collations de leur enfant.
  • doivent comprendre que le trouble de l’alimentation nuit à la capacité de l’enfant de prendre des décisions raisonnables au sujet des aliments et de l’exercice et qu’ils doivent temporairement prendre en charge ces volets de la vie de l’enfant.
Les visites médicales :
  • doivent d’abord être fréquentes, soit toutes les semaines ou toutes les deux semaines.
  • doivent toujours inclure la vérification du poids et des signes vitaux du patient.
  • doivent toujours inclure une rencontre seul à seul avec le patient pour évaluer ses attitudes, ses comportements et ses problèmes vis-à-vis de l’alimentation.
  • doivent toujours inclure une rétroaction sur le poids et les signes vitaux à la fois aux parents et au patient.
  • doivent inclure des rappels et des encouragements fréquents aux parents sur la nécessité d’insister sur une alimentation et l’établissement de limites convenables.
La prise en charge du comportement :
  • incite les parents à utiliser des « conséquences naturelles » à l’égard du refus de s’alimenter, par exemple, ne pas permettre à l’adolescent de participer à un entraînement sportif tant qu’il n’a pas mangé un repas convenable.
  • comporte un transfert graduel de la responsabilité des parents à l’enfant lorsque la réalimentation se passe bien.
  • comporte la lente réintégration de l’exercice dans la vie de l’enfant lorsque le poids se met à augmenter régulièrement.

Recommandations

  • Après le diagnostic d’AM, le médecin doit offrir un counseling initial aux parents, au cours duquel ils leur demande de prendre en charge l’alimentation et l’exercice de l’enfant. Les deux parents (lorsqu’ils sont disponibles) doivent travailler de concert à s’assurer que tous les repas et toutes les collations sont supervisés, que l’exercice n’est pas excessif et que le patient se présente aux visites régulières.
  • Lorsqu’il est disponible, l’aiguillage doit être orienté vers des services spécialisés de troubles de l’alimentation pédiatriques.
  • Les visites médicales doivent être régulières (toutes les semaines ou toutes les deux semaines) et inclure le patient et sa famille. Ces visites devraient comprendre une entrevue seul à seul avec l’enfant ou l’adolescent, suivie d’un examen physique et d’un examen de laboratoire (s’il y a lieu) afin d’évaluer l’état physique du patient.
  • Les parents devraient profiter d’une rétroaction à chaque visite. Si le jeune ne prend pas de poids, le médecin, conjointement avec les parents et le patient, doit tenter d’en établir les raisons. Il faudra peut-être mettre un terme à une activité excessive ou se mettre à superviser toute période d’alimentation non supervisée jusque-là.
  • Dans le cas des patients et des familles qui ne réagissent pas aux interventions en consultations externes, le médecin devrait prôner un traitement intensif du trouble de l’alimentation pédiatrique, ce qui peut inclure une hospitalisation ou des soins hospitaliers de jour.

Lectures suggérées aux parents

  • Lock J, Le Grange D. Help Your Teenager Beat An Eating Disorder. New York: Guilford Press, 2005.
  • Katzman DK, Pinhas L. Help for Eating Disorders: A parent’s guide to symptoms, causes and treatments. Toronto: Robert Rose Inc, 2005.
  • Pomerleau G et coll. Anorexie et boulimie : comprendre pour agir. Montréal, Gaëtan Morin éditeur, 2001.

Remerciements

Le présent document de principes a été révisé par les groupes suivants : le comité d’action conjointe sur la santé des enfants et des adolescents de la Société canadienne de pédiatrie et du Collège des médecins de famille du Canada, ainsi que les comités de la pédiatrie communautaire, d’une vie active saine et de la médecine sportive, de la nutrition et de la gastroentérologie de la Société canadienne de pédiatrie.


COMITÉ DE LA SANTÉ DE L’ADOLESCENT DE LA SCP

Membres : Docteurs Jorge Pinzon (président), Calgary (Alberta); Franziska Baltzer, Montréal (Québec); April Elliott, Calgary (Alberta); Debra Katzman, Toronto (Ontario); Danielle Taddeo, Montréal (Québec); Korvangattu Sankaran (représentant du conseil), Saskatoon (Saskatchewan)
Représentante : Johanne Harvey MD, section de la santé de l’adolescent de la SCP
Auteurs principaux : Sheri M Findlay MD; Jorge Pinzon MD; Debra Katzman MD


Références

  1. Golden NH, Katzman DK, Kreipe RE et coll. Eating disorders in adolescents: Position paper of the Society for Adolescent Medicine. J Adolesc Health 2003;33:496-503.
  2. Pinhas L, Morris A, Heinmaa M, Crosby R, Katzman DK. Early onset eating disorders. 83e congrès annuel de la Société canadienne de pédiatrie. St John’s (Terre-Neuve), du13 au 17 juin 2006.
  3. National Institute for Health and Clinical Excellence. Eating disorders: Core interventions in the treatment and management of anorexia nervosa, bulimia nervosa and relatedeating disorders. www.nice.org.uk/Guidance/CG9 (version à jour le 13 janvier 2010).
  4. Bulik CM, Berkman ND, Brownley KA, Sedway JA, Lohr KN. Anorexia nervosa treatment: A systematic review of randomized controlled trials. Int J Eat Disord 2007;40:310-20.
  5. Lock J, le Grange D. Family-based treatment of eating disorders. Int J Eat Disord 2005;37:S64-7.
  6. Eisler I. The empirical and theoretical base of family therapy and multiple family day therapy for adolescent anorexia nervosa. J Family Therapy 2005;27:104-31.
  7. Lock J, Couturier J, Agras WS. Comparison of long-term outcomes in adolescents with anorexia nervosa treated with family therapy. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry2006;45:666-72.
  8. Eisler I, Simic M, Russell GF, Dare C. A randomized controlled trial of two forms of family therapy in adolescent anorexia nervosa: A five-year follow-up. J Child PsycholPsychiatry 2007;48:552-60.
  9. Rome ES, Ammerman S, Rosen DS et coll. Children and adolescents with eating disorders: The state of the art. Pediatrics 2003;111:e98-e108.
  10. American Academy of Pediatrics, Committee on Adolescence. Identifying and treating eating disorders. Pediatrics 2003;111:204-11.
  11. Société canadienne de pédiatrie, comité de la santé de l’adolescent. [Auteur principal : RS Tonkin]. Les troubles de l’alimentation chez les adolescents : Les principes dediagnostic et de traitement. Paediatr Child Health 1998;3:193-6.
  12. Nicholls D, Chater R, Lask B. Children into DSM don’t go: A comparison of classification systems for eating disorders in childhood and early adolescence. Int J Eat Disord2000;28:317-24.
  13. Katzman DK. Medical complications in adolescents with anorexia nervosa: A review of the literature. Int J Eat Disord 2005;37:S52-9.
  14. Palla B, Litt IF. Medical complications of eating disorders in adolescents. Pediatrics 1988;81:613-23.
  15. Sigman GS. Eating disorders in children and adolescents. Pediatr Clin N Am 2003;50:1139-77.

Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.

Mise à jour : le 7 décembre 2023